LA ZONE -

Les 30 foireuses

Le 25/10/2015
par Lapinchien
[illustration] Il y a clairement eu : la révolution industrielle, les révolutions technologiques liées aux guerres mondiales dont l'aboutissement fut l'avènement de l'atome, les révolutions scientifiques liées à la guerre froide avec la course vers l'espace qu'elle instilla. Pendant ces périodes, il y a eu l'émergence de sciences et technologies dérivées, disruptives. On ne se foutait pas de la gueule de l'Humain. Il y avait des camps, certes. En compétition, certes. Mais ce mot que je n'aime vraiment pas, l'innovation, n'était pas galvaudé. Et puisqu'il faut bien l'employer, on traversait des ères de vraie innovation, celle qui s'inscrivait dans de véritables projets sociétaux pour des groupes d'Hommes, des projets en compétition à flux tendu puisqu'il en allait à chaque seconde de la survie même des utopies idéologiques locomotives de toute l'émulation conduisant aux conditions de l'émergence du disruptif.
Ce n'est plus le cas aujourd'hui, nous sommes dirigés par plusieurs générations d'escrocs et de voyous sans la moindre once d'imagination et pire sans la moindre volonté d'offrir un avenir à l'Humanité. Ces fils de pute aux commandes ont embourbé la machinerie qui sublimait l'Homme dans son évolution non plus Darwinienne mais idéologique, et donc scientifique et culturelle, et donc technologique. Chers copains, on ne tend plus vers rien, personne n'anticipe plus de projet sociétal digne de ce nom. Cette formidable machinerie générait pourtant, et c'est pourquoi il faudrait penser à la reconstruire, les rêves les plus fous, eux même générant les disruptions les plus étonnantes car inattendues et ce dans des délais de temps très courts, disruptions générant enthousiasme et prospérité au sein de toute la population inscrite dans des aspirations collectives, certes un tantinet gâchées par des peurs et préoccupations survivalistes comme la peur de la guerre nucléaire et du conflit global. On avait tout de même foi en l'Homme et son avenir, inscrit dans cet instinct de conquête sans lequel l'Humanité depuis longtemps n'existerait plus, un avenir qui forcément se trouve dans la colonisation du système solaire et dans la maîtrise de l'infiniment petit.

Depuis la chute du mur de Berlin, de la mort du communisme, de l'avènement du capitalisme et du libéralisme roi, nous avons assisté au plus grand holdup de l'Histoire dont les conséquences semblent déjà catastrophiques à très court terme pour notre espèce. Nous sommes entrés dans l'ère du financiarisme pur, et l'Humain à notre époque n'a plus qu'une seule utilité, celle de consommer, consommer jusqu'à la nausée et dans une boulimie désespérée, sans la moindre perspective, vision, visibilité même et ligne d'horizon, tous ces gadgets à la con qu'on nous présente comme de l'innovation mais qui en réalité ne sont que des prétextes, les quanta de la spéculation à vide et de la gestion cynique, sous prétexte de révolution numérique, de la cristallisation préméditée de la paupérisation des masses.

Nous sommes devenus les boules de pachinko d'un improbable système nihiliste que même les lois complexes de l'automatisme n'arrivent plus à modéliser pour pondre des patterns prédictifs permettant d'agir sur notre devenir. Les dirigeants sont devenus inutiles, ils n'ont pas prise sur la mécanique qui régule le système et en sont réduits à se ridiculiser dans d'improbables chorégraphies et gesticulations médiatiques. Mais c'est bien pire que cela, puisque l'Homme circonscrit à l'état de consommateur, asservi par le système, ne rêve et n'aspire plus à rien sinon à sublimer son ego, la seule et unique frontière personnelle qu'il puisse encore un tantinet défendre face à cette altérité absurde.

La finance était et devrait redevenir un outil au service d'un projet de société et non un projet de société en soi. La finance était et devrait redevenir un outil au service du pouvoir et non le pouvoir en soi. C'est le cœur du problème. L'innovation existe mais derrière les concepts de startups à gadgets débiles se cache exclusivement de l'innovation financière, des montages innovants pour écouler des conneries à obsolescence programmée et se faire du fric sur de la spéculation pure via des cession/acquisitions opportunistes et la gangrène du pouvoir des sociétés par les banques qui placent leurs hommes à la présidence des conseils de surveillance et d'administration verrouillant les actions de l'entrepreneur et par ailleurs prenant le pouvoir capitalistique dans la structure par le biais de fonds commun de placement à l'innovation. Ironiquement donc, ils sont puissants et prennent le pouvoir sur le peuple, exclusivement, par l'addition de toutes petites sommes, que le commun des mortels leur cède. Cyniquement donc ceux qui devraient être des gestionnaires à notre service, nous font payer pour devenir leurs esclaves. On a mutualisé notre propre asservissement paradoxalement pour garantir notre liberté.

Mais quand on accède au pouvoir, on n'a plus besoin de se cacher pour institutionnaliser sa mafia. On n'est plus à un exemple près même si je n'assimile pas tous les acteurs de la haute finance à Madoff. Je parle ici de légitimité démocratique de l'obtention et de l'usage du pouvoir. La haute finance à le pouvoir et n'offre aucune perspective à l'Humanité sinon l'embourbement et c'est ce qui est insoutenable. Dans le nouveau modèle capitaliste post crise des subprimes, il est légitime, d'un point de vue purement économique, que la haute finance ait le pouvoir. Le volume total des sommes générées par la spéculation est de 100 à 1000 fois supérieur à celui que génère le chiffre d'affaire des sociétés et donc le travail et la marchandisation. Il est évident que le rapport de force dans ce nouveau modèle capitaliste offre le pouvoir sur un plateau à la haute finance. Cela dit est ce légitime d'un point de vue démocratique ? non. Mais pourquoi pas... Ils ont le pouvoir, on n'est plus en démocratie mais en banquocratie. Ils pourraient au moins se servir de tout ce pouvoir pour être dans autre chose que la gangrène totale de l'Humanité jusqu'à son extinction, autre chose que la consommation de la totalité des ressources jusqu'à épuisement, agir en gestionnaire responsable si ce n'est légitime. Et bien même pas.

Concrètement, si le travail ne génère plus d'argent, qu'on ne peut pas s'en passer mais qu'on peut réduire son importance dans la vie à une activité basée sur la passion des gens, du partage, du collaboratif, du participatif, de l'associatif et le bénévolat désintéressé, pourquoi mettre en compétition ceux qui n'ont plus d'utilité réelle exclusivement qu'en tant que consommateurs ? Et bien parce que les individus sont aussi contributeurs au chaos ambiant générant la volatilité et la fluctuation des marchés nécessaires à la spéculation pour créer les conditions de l'opportunisme sauvage, seul contexte ou les spéculateurs financiers peuvent prendre l'avantage sur leurs concurrents et rafler le plus de gains en étant les plus rapides et par plus rapides souvent j'entends dans le délit d'initiés. Personnellement je pense que le travail est une valeur saine mais dans un contexte de plein emploi et ou la finance serait à sa place : celle d'un outil au service de la démocratie et non un substitut.

Certains rétorquerons que je trace un portrait sombre et dépressif sur notre contemporanéité, qu'en réalité nous sommes dans l'ère de la révolution de la communication entre les Hommes, celle des réseaux, celles des liens que l'on tisse pour réduire les durées et les distances, faire de la Terre une énorme pelote de laine dont chacun de nous tisserait les fils à son niveau, fils sur lesquels nous tirerions tous simultanément pour tasser, compresser la pelote, réduire le rayon de la sphère à son extremum, celui qui fait qu'elle se fait point et qu'à ce moment singulier l'Humanité entière fusionne. Ceux qui défendent cette idée ce voilent la face, l'hyper-dialogue est bien plus stérile, avilissant et vecteur d'addiction, de ragots et lynchages collectifs qu'utile à quoi que ce soit. Effectivement ce modèle a un rêve, celui de tendre vers la perche à selfie qui permettra de prendre sur une seule et même photo l'ensemble de l'Humanité dans son ultime agonie.

= commentaires =

Dourak Smerdiakov

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ma non troppo
    le 25/10/2015 à 23:36:33
Je me souviens t'avoir suggéré de le poster en article (tu l'avais tapé dans le forum), mais je pensais à un classement dans le thème "polémique" plutôt que "débile/disjoncté". On dirait que tu n'assumes pas le premier degré du texte, en fait, comme si t'avais peur d'une réaction de type "Hé, venez voir, y a Lapinchien qui se croit sur Rue89...".
Lapinchien

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à mort
    le 25/10/2015 à 23:47:16
non. en fait je l'ai posté brut de décoffrage sans pratiquement aucune modification dans le contexte du test que tu m'avais proposé suite à la remise en fonction du site donc du coup c'est plus proche de la déconne que de la polémique en tous cas. D'ailleurs je ne vois pas ce qu'il y a de polémique dans ce que je raconte. C'est une flopée d'évidences que tout le monde connait et admet.
Lapinchien

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    le 26/10/2015 à 00:08:39
ce qui serait polémique ce serait d'essayer d'analyser pourquoi tout le monde se complait dans l'occupation, la collaboration, dans ce petit néo-pétainisme ambiant qui schlingue.
Dourak Smerdiakov

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Pute : 0
ma non troppo
    le 26/10/2015 à 00:21:14
Je crois que ça a déjà été écrit au XVI par un certain La Boétie.
Lapinchien

tw
Pute : 8
à mort
    le 26/10/2015 à 06:50:22
Et c'est bien plus intéressant que mon texte à la con (source wikipedia):

Le Discours de la servitude volontaire constitue une remise en cause de la légitimité des gouvernants, que La Boétie appelle « maîtres » ou « tyrans ». Quelle que soit la manière dont un tyran s'est hissé au pouvoir (élections, violence, succession), ce n'est jamais son bon gouvernement qui explique sa domination et le fait que celle-ci perdure. Pour La Boétie, les gouvernants ont plutôt tendance à se distinguer par leur impéritie. Plus que la peur de la sanction, c'est d'abord l'habitude qu'a le peuple de la servitude qui explique que la domination du maître perdure. Ensuite viennent la religion et les superstitions. Mais ces deux moyens ne permettent de dominer que les ignorants. Vient le « secret de toute domination » : faire participer les dominés à leur domination. Ainsi, le tyran jette des miettes aux courtisans. Si le peuple est contraint d'obéir, les courtisans ne doivent pas se contenter d'obéir mais doivent aussi devancer les désirs du tyran. Aussi, ils sont encore moins libres que le peuple lui-même, et choisissent volontairement la servitude. Ainsi s'instaure une pyramide du pouvoir : le tyran en domine cinq, qui en dominent cent, qui eux-mêmes en dominent mille... Cette pyramide s'effondre dès lors que les courtisans cessent de se donner corps et âme au tyran. Alors celui-ci perd tout pouvoir acquis.

Dans ce texte majeur de la philosophie politique, repris à travers les âges par des partis de colorations diverses, La Boétie oppose l'équilibre de la terreur qui s'instaure entre bandits, égaux par leur puissance et qui se partagent à ce titre le butin des brigandages, à l'amitié qui seule permet de vivre libre. Le tyran, quant à lui, vit dans la crainte permanente : n'ayant pas d'égaux, tous le craignent, et par conséquent, il risque à chaque instant l'assassinat. Elias Canetti fera une peinture similaire du « despote paranoïaque » dans Masse et puissance.

Si La Boétie est toujours resté, par ses fonctions, serviteur fidèle de l'ordre public, il est cependant considéré par beaucoup comme un précurseur intellectuel de l'anarchisme et de la désobéissance civile. Également, et surtout, comme l'un des tout premiers théoriciens de l'aliénation.

Pour comprendre les intentions qui conduisent Étienne de la Boétie à écrire le « Discours de la Servitude Volontaire ou le Contr’un », il faut remonter au drame qui a lieu vers 1548. « En 1539, François Ier, roi de France, tente d'unifier la gabelle. Il impose des greniers à sel près de la frontière espagnole, dans les régions qui en sont dépourvues. En réaction de cette tentative des soulèvements ont lieu. Le premier en 1542, puis le plus grand en 1548 à Bordeaux ». Le connétable de Montmorency rétablit l'ordre de manière impitoyable. Si l’on s’en rapporte à l’écrivain Jacques-Auguste de Thou, ce serait sous l’impression de ces horreurs et cruautés commises à Bordeaux, que la Boétie compose le « Discours de Servitude Volontaire ».

La Boétie s'attache a démontrer que de petites acceptations en compromis et complaisances, la soumission en vient à s'imposer à soi tel un choix volontaire fait dès les premiers instants. La question avec laquelle il interpelle ses lecteurs touche à l'essence même de la politique : « pourquoi obéit-on ? ». Il met en évidence les mécanismes de la mise en place des pouvoirs et interroge sur ceux de l'obéissance. Il en vient à observer qu'un homme ne peut asservir un peuple si ce peuple ne s’asservit pas d’abord lui-même par une imbrication pyramidale.

Bien que la violence soit son moyen spécifique, elle seule ne suffit pas à définir l’État. C’est à cause de la légitimité que la société lui accorde que les crimes sont commis. Il suffirait à l’homme de ne plus vouloir servir pour devenir libre ; « Soyez résolus à ne plus servir, et vous voilà libres ». À cet égard la Boétie tente de comprendre pour quelles raisons l’homme a perdu le désir de retrouver sa liberté. Le « Discours » a pour but d’expliquer cette soumission.

Tout d’abord la Boétie distingue trois sortes de tyrans : « Les uns règnent par l’élection du peuple, les autres par la force des armes, les derniers par succession de race ». Les deux premiers se comportent comme en pays conquis. Ceux qui naissent rois, en général ne sont guère meilleurs, puisqu’ils ont grandi au sein de la tyrannie. C’est ce dernier cas qui intéresse la Boétie. Comment se fait-il que le peuple continue à obéir aveuglément au tyran ? Il est possible que les hommes aient perdu leur liberté par contrainte, mais il est quand même étonnant qu’ils ne luttent pas pour regagner leur liberté.

La première raison pour laquelle les hommes servent volontairement, c’est qu’il y a ceux qui n’ont jamais connu la liberté et qui sont « accoutumés à la sujétion ». La Boétie décrit dans son « Discours » : « Les hommes nés sous le joug, puis nourris et élevés dans la servitude, sans regarder plus avant, se contentent de vivre comme ils sont nés et ne pensent point avoir d’autres biens ni d’autres droits que ceux qu’ils ont trouvés ; ils prennent pour leur état de nature l’état de leur naissance ».

La seconde raison, c’est que sous les tyrans les gens deviennent « lâches et efféminés ». Les gens soumis n’ont ni ardeur ni pugnacité au combat. Ils ne combattent plus pour une cause mais par obligation. Cette envie de gagner leur est enlevée. Les tyrans essaient de stimuler cette pusillanimité et maintiennent les hommes stupides en leur donnant du « pain et des jeux ». Ces absolutistes iront même jusqu’à dire qu’ils ont le pouvoir de guérir certaines maladies ; par exemple Hugues Capet, le premier Roi de France, prétendait avoir le pouvoir de guérir la maladie des écrouelles.

La dernière raison est sans doute la plus importante, car elle nous dévoile le ressort et le secret de la domination, « le soutien et fondement de toute tyrannie ». Le tyran est soutenu par quelques hommes fidèles qui lui soumettent tout le pays. Ces hommes sont appelés par le tyran pour être « les complices de ses cruautés » ou se sont justement rapprochés du tyran afin de pouvoir le manipuler. Ces fidèles ont à leur tour des hommes qui leur sont obéissants. Ces derniers ont à leur dépendance d’autres hommes qu’ils élèvent en dignité. À ces derniers est donné le gouvernement des provinces ou «le maniement des deniers ». Ce maniement est attribué à ces hommes « afin de les tenir par leur avidité ou par leur cruauté, afin qu’ils les exercent à point nommé et fassent d’ailleurs tant de mal qu’ils ne puissent se maintenir que sous leur ombre, qu’ils ne puissent s’exempter des lois et des peines que grâce à leur protection ».

Tout le monde est considéré comme tyran. Ceux qui sont en bas de la pyramide, les fermiers et les ouvriers, sont dans un certain sens « libres » : ils exécutent les ordres de leurs supérieurs et font du reste de leur temps libre ce qui leur plaît. Mais « s’approcher du tyran, est-ce autre chose que s’éloigner de sa liberté et, pour ainsi dire, embrasser et serrer à deux mains sa servitude » ? En d’autres termes, ceux qui sont en bas de l’échelon sont bien plus heureux et en quelque sorte bien plus ‘libres’ que ceux qui les traitent comme des « forçats ou des esclaves ». « Est-ce là vivre heureux ? Est-ce même vivre ? », se demande la Boétie. Ces favoris devraient moins se souvenir de ceux qui ont gagné beaucoup auprès des tyrans que de ceux qui, « s’étant gorgés quelque temps, y ont perdu peu après les biens et la vie ».

Par ailleurs il est impossible de se lier d’amitié avec un tyran, parce qu’il est et sera toujours au-dessus. « Il ne faut pas attendre de l’amitié de celui qui a le cœur assez dur pour haïr tout un royaume qui ne fait que lui obéir. Mais ce n’est pas le tyran que le peuple accuse du mal qu’il souffre, mais bien ceux qui le gouvernent. » Pour achever son « Discours » la Boétie a recours à la prière. Il prie un « Dieu bon et libéral pour qu’il réserve là-bas tout exprès, pour les tyrans et leurs complices, quelque peine particulière ».

Commentaire édité par Lapinchien.
Lapinchien

tw
Pute : 8
à mort
    le 26/10/2015 à 07:13:04
C'est vrai que ça à l'air plus que jamais contemporain. Cela dit a priori de nos jours, il y a la séparation des pouvoirs avec une justice indépendante. Dernièrement des évènements dans ma vie tendent à montrer qu'en coulisses règne la concussion et que la séparation des pouvoirs est purement théorique pour le tenir endormi le bon peuple bisounours . Il y a comme de l'électricité dans l'air cependant. J'entends déjà les guillotines rouillées qu'on ressort des hangars.
Lapinchien

tw
Pute : 8
à mort
    le 28/10/2015 à 19:53:17
https://www.youtube.com/watch?v=pYokDJR7ris
Dourak Smerdiakov

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Pute : 0
ma non troppo
    le 29/10/2015 à 13:59:28
Je n'avais aucun souvenir de ça. Je ne sais pas si je dois te remercier. D'un autre côté, ça vaccine contre la nostalgie.

Lapinchien, à mort.

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