Je vais à cette soirée. C’est une bonne amie qui m’a invité, elle fête son anniversaire. Y’a beaucoup de monde. On est pareil tous les deux, on déteste les gens, vas savoir pourquoi elle fait ça. Mais bon c’est vraiment une bonne amie, et je me dis qu’on pourra cracher sur les gens qui sont là, c’est un réconfort comme un autre. Quand j’arrive rien ne va. Les gens ont l’air cons, on dirait des bêtes sauvages. Je retire, c’est méchant pour les bêtes sauvages.
Certains sautent dans la piscine en criant, beaucoup de mecs. Des mâles en chaleur qui respirent plus tellement ils contractent leurs abdos. D’autres fument sur des chaises, beaucoup de meufs. Elles regardent à peine les mecs. Ou bien elles les jugent. Le schéma habituel quoi, des connards qui font les beaux parce qu’ils croient qu’on les regardent, et puis des connasses qui les regardent pas ou juste assez pour se foutre de leur gueule. Bizarrement j’aime bien ce genre de scène, ça me fait rire et ça m’inspire sur la connerie de l’âme humaine.
Je retrouve ma pote, on discute un peu. Toujours intéressant avec elle. Censé. Intelligent. Le genre d'amis qu’on est content de retrouver pour parler des autres amis. Le genre d’ami avec lequel je prend autant de plaisir à discuter que quand je parle à mon chat. C’est pas courant. Des gens arrivent, elle se fait engloutir par le flot de débilité général. J’accepte. Je fume une clope tout seul sur un transat, une bière à la main. Un pote me rejoint. J’ai fini ma clope, je lui en gratte une. On parle des gens, lui aussi a l’air de les détester. La seule différence c’est que lui déteste seulement les gens présents à la soirée, moi je déteste les gens de manière générale. Puis nous vient une idée. On l’exploite et on finit par élaborer un plan. Si ce plan aboutit, la fin de soirée risque d’être unique en son genre.
On met notre plan à exécution. Y’a bien soixante personnes à la soirée. Pour l’instant seul un tiers est dans la piscine. On motive les gens qui y sont pas encore pour qu’ils y aillent, on dit que c’est pour faire une photo. On galère bien, y’a quelques chieurs qui veulent pas se baigner. Bien sûr on use de la connerie des autres, on les persuade de foutre les chieurs à l’eau avec eux. L’eau ça purifie. Même si là y’a rien à purifier tellement ils sont tous vides. Vides de sens, de raison, d’intérêt. Bref au final on arrive à mettre tout le monde dans la piscine.
Dix minutes plus tôt, mon pote a fait quelque chose de très intelligent. Dans le conduit qui approvisionne la piscine en eau, il a versé un baril d’essence. Vous voyez le truc arriver, n’est-ce-pas ?
Une soixantaine de larves dans la piscine. Inutiles et dégueulasses. Elles s’amusent entre elles et nous dérangent. Moi et mon pote juste en face, on les regarde avec joie. Et puis je les crame. Je les crame tous. Ça prend feu en une seconde. Un barbecue géant, et dans l’eau en plus. Du jamais vu, un spectacle sans nom. Pauvre spectacle, il ne mérite pas ça, je vais lui donner un nom.
Oyez oyez braves gens ! Soyez les bienvenus au premier spectacle de barbecue humain dans l’eau, LA GRILLADE ARROSÉE ! Du jamais vu, une expérience hors du commun où vous verrez pour la première fois se faire rôtir du vrai porc, authentique. Un esprit vide mais une chair bien garnie, et produit local en plus ! De l’humain blanc pure souche, enrobé de sa chemise Ralph Lauren et de son pantalon en lin BLANC !
J’imagine déjà le bordel, les foules qui se massent autour de la piscine pour contempler cette scène digne des plus grandes pièces de théâtre (comédies, bien sûr, la tragédie aurait été que ces cons restent en vie).
Mais trêve de vaines illusions. Un retour à la réalité s'impose, j’ai de la viande sur le feu moi. Certains porcinets tentent de sortir de la piscine. L’Ami et moi, on chope des tisonniers dans le brasero d’à côté pour les repousser. Je reconnais un mec, un peu plus tôt dans la soirée je lui avais prêté un briquet et il était parti en courant avec. Il me regarde avec désespoir, son visage est à moitié brûlé. Il tente vainement d’échapper aux flammes, son corps se débat. Si ridicule, je lui souhaite de brûler en enfer après avoir brûlé dans la piscine. Je lui tranche la tête avec le tisonnier et toute la haine que je peux lui offrir. Elle part pas d’un coup, elle pend ironiquement et s’appuie sur son épaule. Vraiment comique. Mais j’ai même pas le temps de finir le travail que déjà son corps disparaît dans l’eau. Ça doit être chiant d’aller en enfer avec une tête ballante et à moitié cramée. Je suis vraiment heureux pour lui, il n’avait rien à faire sur la terre, sa seule naissance était une malheureuse erreur. Comme beaucoup, tristement.
Ça crie, ça hurle, un vrai plaisir pour les oreilles. Je me connecte aux enceintes pour mettre un peu de musique classique, la cerise sur le gâteau. Brahms s’impose, je vais pas chercher loin. Symphony No. 3 in F Major, Op. 90. Mon pote me lance un regard d’approbation, il est en extase totale. C’est du caviar ce Tout. La musique, les aboiements, la vision d’un tel festin… Ah, doux destin, tu restes plein de surprises ! Mais je suis encore une fois coupé dans mon moment par quelques bouts de viandes pas bien cuites qui croient encore à la vie. Réveillez vous les gars, c’est fini pour vous ! J’en ai marre des ces gens qui sont convaincus que des conneries comme la justice, l’espoir ou la raison existent. Les enfants, je suis sincèrement désolé de vous apprendre que ça fait bien longtemps que l’humanité ne possède plus que la folie. Bref, quelques optimistes cherchent encore à s’extraire de ce grill chloré. Je m’en vais donc les remettre à leur place.
Mais soudain une idée toute neuve et onctueuse vient me caresser l’esprit. Puisque certains refusent de brûler, qu’ils se noient ! Je suis ma logique et je ferme le rideau, ou le volet roulant, je sais pas comment on appelle ça. On repousse les derniers marcassins à la flotte et on profite enfin du spectacle si parfait. Les grognements sourds des dernières noyades mêlés à cette merveilleuse odeur de carbonade et au doux son de Brahms rendent cet instant unique. Ah ! je respire enfin cette paix, harmonieuse et calme. Si bon, si simple, si parfait… Si seulement c’était vrai.
Mais non, je suis là avec mon pote, à critiquer les gens que je rêverai de cramer ou de noyer. Assis dans ce même transat, avec en main le peu que cette vie a à m'offrir, une pauvre bière et une clope mal roulée. Après, rien n’est irréalisable quand on va au bout de ses idées. Des idées si pures et poétiques. Je vais quand même lui exposer la mienne, on sait jamais. Peut-être qu’il serait partant pour un petit barbecue entre amis, après tout. Je lui demande donc.
Vous vous doutez de ce qui se passe ensuite, non ?
![[illustration]](/data/img/images/2025-30-06-grilladearrosee (1) (1) (1).png)
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C'est assez jubilatoire. Du défoulement pur.
Je vois ce que tu voulais faire, mais ça tombe un peu à plat pour moi.
Ca sonne creux. Pas creux glaçant, juste... vide. Les personnages n’existent pas, y’a rien à sauver. J’ai presque eu plus de compassion pour le pote qui se tape toute la conversation du narrateur que pour les abrutis qui crament dans la piscine — ou qui crameraient ? crameront ? crameront jamais, en fait.
La chute... c’est pas une chute, c’est un vieux "ah ben non, c’était pas vrai" sorti tout droit d’un fond de tiroir Twilight. Déjà vu, déjà raté.
J’ai quand même tout lu, parce que LapinChien parlait de “jubilatoire”. j’ai pas jubilé. je jubile quand la violence est méritée, ou réelle, ou qu’elle a un peu de nerf. Là elle est tellement répétée qu’elle s’émousse toute seule. une décapitation au tisonnier… j'y crois pas une minute.
Ouais, je voulais dire jubilatoire pour l'auteur en fait mais je l'ai mal dit.
Je crois que j'ai fait exprès de dire "jubilatoire" après réflexion. Il ne faut pas croire tout ce que je dis. C'est du marketing pour pousser les gens à lire les textes des autres.
Oui, après vérification de la définition, je pense que je voulais dire que c'est probablement un calvaire de lire ce texte comme celui qu'a connu Delphine Jubillar.
Merci.
Faut pas te culpabiliser pour ça, aucune image ne m'a hantée et mon temps n'est pas si précieux...
@LC qui fait du putaclic XD
La violence est gratuite certes, mais j'avoue qu'elle est facile, mécanique et...
attendez.
Après réflexion, ça me fait quand même penser à cette scène de dingo dans Once Upon a Time… in Hollywood. On a quand même Brad qui défonce la gueule d'une meuf contre une cheminée, un clébard qui bouffe les couilles d'un mec et surtout, SURTOUT, Leonardo sort son lance-flamme pour faire griller la donz' dans la piscine. Albert n'aurait-il pas trop regarder le petit écran ?
*regard suspicieux*
je fais de la prospection scientifique du clic plutôt. C'est pour la bonne cause.
N'empêche que ça a marché ^^
Sale fourbe
Dommage la chute, je trouvais ça pas si mal.
Moi je mets un bon 6/10. Pas mal, mais peut mieux faire, car déjà vu.
@Cuddle J'avais pas remarqué qu'il y avait Goofy dans "Once Upon a Time… in Hollywood"