C’est pas une reconversion. C’est une extinction.
À 50 ans, elle a choppé une saloperie bien connue : la ménopause sociale.
Cette maladie invisible qui te flingue dès que t’es une femme, plus désirable, plus jeune, plus utile.
Les hommes du même âge ? Promus, consultés, confortables.
Les femmes ? Réinventées. Entraînées à sourire pendant qu’on les pousse dans l’ombre.
Elle, elle vendait des meubles. Du faux confort pour des vrais vide-greniers affectifs. Elle récitait les couleurs tendances, les formes douces, les espaces optimisés.
Et pendant ce temps, sa propre vie partait en poussière. Les gosses ont tiré leur révérence, le mari s’est tiré aussi, et même le chien a arrêté de venir quand elle l’appelle.
Et un jour, le vide s’est ouvert. Le vrai.
Pas “qu’est-ce que je vais faire ?”
Mais : “est-ce que j’ai servi à autre chose qu’à tenir debout la vie des autres ?”
C’est là que les copines débarquent avec leurs slogans bienveillants et leur patriarcat intégré :
“T’as du goût, chérie ! Tu pourrais faire de la déco, aligner les énergies !”
Traduction : recycle-toi, mais sans bruit.
Change de peau, reste utile, surtout ne fais pas chier.
Alors elle devient, malgré elle, prêtresse feng shui pour salons aseptisés.
Elle parle de circulation d’énergie quand tout est mort à l’intérieur.
Elle harmonise les rideaux pour ne pas crier.
Elle restructure sa vie en vendant des lits. Parce qu’un lit, c’est feng shui. C’est couillu, même.
Mais elle le sait : c’est pas une réinvention. C’est juste le dernier rôle offert à celles qui n’en ont plus.
Un job temporaire dans un monde qui ne veut plus les voir.
Elle vend des lits comme on vend des cercueils.
En souriant.
Avec goût.
Et une foutue lampe en rotin.
![[illustration]](/data/img/images/2025-09-25-rotin-big.jpg)
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Je trouve qu'on pourrait tout autant parler d'andropause sociale que de ménopause sociale. De toutes façons pour vivre vieux sur le marché de l'emploi faut savoir cumuler les pouvoirs, les coups de bâtard et avoir écrasé pas mal de ses collaborateurs. C'est le prix à payer pour avoir une belle retraite à taux plein de nos jours : être un sacré fils de pute.
Sinon cette rubrique où Lindsay S flirte avec la violation du secret professionnel est riche de nombreux enseignements. Je la lis comme je me regarderai dans un miroir car on retrouve tous un peu de nous dans ces portraits.
Dans celui-ci je trouve cependant que Lindsay S est bien trop gentille par rapport à d'habitude mais j'ai lu les portraits à venir et elle se rattrape en soulignant au stabilo les défauts de tous ces gens qui viennent pour réclamer de l'aide à la réinsertion, défauts individuels qu'ils n'admettent pas la plus part du temps de manière regrettable car c'est souvent à cause d'eux qu'ils ne retrouvent pas d'emploi.
C'est surement que la ménopause sociale me guette aussi :)
Si ça t'arrive dans ton taf actuel, je ne doute pas avec tes talents que tu sauras rebondir dans le secteur de la littérature.