J'y voyais peut-être - mais je me dis parfois que je ne me connais pas assez pour glisser du « peut-être » au « sans doute » - une paraphrase populaire, simpliste, hautement synthétique de cette propension typiquement guevaresque à « exiger l'impossible ». De toute évidence, l'un précède l'autre dans le flot de pensées du révolutionnaire et il ne s'agit là, somme toute, que d'un simple processus que l'on n'hésitera pas à situer à la racine de toute forme d'imagination. L'hypothèse, née des méandres, jaillit en lame de fond, en rayon de soleil, en soudain clair de lune entre deux pensées triviales, le flop du quotidien bousculé par l'irruption du « et si » cher aux enfants, aux artistes, aux scientifiques. Mais j'attendais autre chose que cette inflexion doucereuse, cet appel au calme poussé à bout de lui-même par cette négation tardive.
« Et pourquoi pas ? » reste une phrase, entière, chargée, une phrase complète qui se pare d'une apparente légèreté en ne s'embarrassant pas d'un verbe, d'un sujet, d'un compliment. J'attendais une porte s'ouvrant sur l'inconnu, je me récolte un verrou plaqué sur le cortex. Je rêvais d'un « warum nicht » aux accents hegeliens, quelque chose de grandiose incitant au sublime, parce que la langue germanique invite à la philosophie, je n'ai eu droit qu'à un « cause toujours, je t'écoute d'une oreille et l'autre t'ignore ostensiblement. »
Je souhaitais une réponse claire, un positionnement politique, le choix d'un camp plutôt qu'un autre. Ma proposition m'engageait de pied en cap. De fond en comble, dirais-je, parce que chaque centimètre cube de mon corps soutient les mots que ma bouche peine à émettre - car je les pèse, chacun, avec la minutie du chat qui se nettoie et la patience de l'araignée qui tisse sa toile pour la troisième fois aujourd'hui.
J'aurais voulu un « oui », un « non », voire un « je ne sais pas encore laisse-moi le temps d'y réfléchir » plutôt qu'un « pourquoi pas » déliquescent. Je sais bien que tu l'ériges en pirouette pour différer ta réponse, ton engagement, ta propre posture par rapport à ce que j'avais entrevu comme une passerelle vers ta personne. Je vois bien que tu refuses tout contact. Tu ne délibéreras nullement dans l'intimité passive de ton esprit réticent, tu n'envisageras probablement pas de me répondre puisque, selon les règles tortueuses du logiciel corrompu auquel tu té réfères constamment, ma réponse, je l'ai déjà obtenue. Tu me l'as jetée, du bout des lèvres, en souriant, bien sûr, parce que ma question relève de la plaisanterie, mes interrogations ne valent guère que l'on s'y attarde, mes regards sont vides et mes hypothèses n'existent que pour justifier une humiliation perpétuelle.
« Et pourquoi pas ? » relève de la perfidie la plus obtuse. Il s'annonce en pourfendeur de cadres et en destructeur de labyrinthes, mais il se conclut sur le refus patent de considérer les mots de l'autre comme un jeu des probables.
D'aucuns prétendront qu'il revient à lâcher du lest sans se donner le temps d'y réfléchir. Ce temps nous manque, certes, mais je te suggère de l'aller chercher là où tu peux.
Nous devons reconstruire une échelle de valeurs dégagée de la contrainte du temps. « Et pourquoi pas ? » doit précéder une appréciation positive, sans quoi il se contente de clore sans poser de jalon. Tu voulais botter en touche en feignant l'empathie et tu m'as réduit, une fois de plus, à l'état d'opercule.
LA ZONE -
Je confesse, une fois n'est pas coutume, une attirance déraisonnable pour ce qui, de prime abord, ressemble à la promesse d'un ailleurs, la date et l'heure en option, toute réponse paraît acceptable ou tolérée, chaque piste à suivre encouragée, chaque alternative automatiquement rehaussée de nombreux choix que l'on n'avait qu'à peine entrevus dans une série de rêves dont les droits d'auteur seront soumis à des calculs bienveillants. Il y avait là, en effet, l'assurance d'un pied-de-nez possible à la petite case coincée dans le tableau étroit de nos classifications mentales ; l'idée d'un sursaut potentiel entre deux lignes tracées à la règle sur fond neutre, des lignes odieusement parallèles qu'aucune césure ou jonction ne vient rompre ou interrompre, des lignes qui n'échangeront pas trois mots puisqu'elles ne se rencontreront jamais. = ajouter un commentaire =
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= commentaires =
Des chroniques comme celles-ci, géniales, intelligentes, passaient crème il y a encore 10 ans. Mais, à force d'être assistés par les IA, nos cerveaux se sont atrophiés et ils plantent à la fin du premier paragraphe. Trop de références. Trop de concepts dans la même phrase. Trop dense en idées au centimètre carré.
Au rythme où vont les choses, dans 10 ans, Pee-Wee Herman aurait fait les chroniques politiques chez Léa Salamé s'il n'était pas mort en 2023.
Vivement que Mill revienne sur la Zone pour nous rééduquer de fond en comble et remettre en ordre de marche nos neurones.
Tu nous manques, Mill. Reviens vite.
Suis-je fatiguée ou en pleine crise de tolérance extrême ? Toujours est-il que, cette fois, je me surprends à lire Mill avec un certain plaisir. Bien sûr, j’aurais encore matière à chipoter, mais j’ai trouvé l’ensemble fluide, pas trop pompeux ni écrasant. Pour une fois, je n’ai pas eu l’impression de suffoquer sous les références.
Maintenant, balancez-moi un texte de Haikulysse, histoire de vérifier si c’est mon cerveau qui est en panne ou si c’est vraiment Mill qui s’est assagi.
Mill, ce sont ses chroniques mais c'est tellement plus que ça. Je t'invite à lire ses textes pour voir qu'en plus d'être un chroniqueur excellent, c'est un écrivain hors du commun. En plus, il a d'autres alias sur la Zone mais j'ai juré de pas les divulguer mais ses textes ont été remarqués à leur publication, je peux te l'assurer.
Je suis tellement dégoutté qu'il se soit barré de la Zone de ma faute à cause d'une posture que j'avais à un moment sur le wokisme alors qu'on m'avait juste niqué le cerveau et que je pensais que c'était une menace pour la liberté d'expression alors que le wokisme n'existe pas et que personne ne s'en revendique que c'est juste une légende urbaine agitée par certains pour désigner un ennemi imaginaire et que des gens adhèrent à leurs discours haineux.
c'est un "mea culpa" / "revient je me mets à genoux"?
c'est "un méat, coupe-le"
LC, tu es la preuve vivante que l'obstination finit par payer.
Disons-le d'emblée, si notre échange sur le sujet du wokisme m'a certes contrarié, c'est surtout parce qu'il est tombé à un moment d'extrême détresse qui n'avait (n'a) rien à voir avec le schmilblick. Tu connais certains aspects de ma vie réelle, je t'en causerai peut-être en privé, mais je n'ai pas été au mieux de ma forme et, oui, j'euphémise à mort.
Ce n'est pas fini, d'ailleurs, et je n'arrive même pas à trouver le temps et l'énergie d'écrire en continu. Foutredieu, j'ai plus de cent pages d'un manuscrit à taper, et j'y arrive pas. Alors, pour lire, commenter, publier, etc, c'est encore plus dur, évidemment.
D'autant que mon état moral m'incite à me tenir éloigné des commentaires typiques de la Zone. J'aurais du mal à supporter trop d'agressivité, de fiel, de mauvaise foi.
Ceci étant posé, j'aime ce site, j'aime l'esprit qui l'anime, j'aime la liberté de ton des textes, la liberté formelle. Je t'envoie des nouvelles plus précises par mail ou mp dans les trois quatre jours qui viennent.
Lindsay, Il fut un temps où j'aurais défendu mon texte becs et ongles, je n'ai plus l'énergie pour le faire. Des précisions, toutefois s'imposent en ce qui concerne les "Lieux communs". Il s'agit avant tout de prose poétique. Chaque texte est composé à voix haute, relu à voix haute, corrigé à voix haute. La thématique du lieu commun est avant tout un prétexte pour renverser certains points de vue, afin de rappeler pourquoi on nous inflige des discours formatés sur, par exemple, le travail, la "vie", le temps qui passe, gnagnagna les grands thèmes dont tout le monde est spécialiste. "Ecrasant", je ne sais pas, mais "pompeux", je récuse. J'accepte "sentencieux", "élitiste", "moraliste", mais "pompeux", tu vas trop loin, Lindsay. Je te retrouve demain à l'aube dans la clairière et je te laisse le choix des armes.
je ne peux que m'incliner.
Je retire donc pompeux, mais je garderai moraliste et sentencieux :)
surtout pour tes prochains textes!
Bah, ça dépend desquels. Y a pas mal de trucs légers, voire triviaux dans ma production.
Je les lirai avec attention :)
Mill, tu peux pas savoir à quel point je suis content d'avoir de tes nouvelles ! Et surtout, même si tu galères, je suis rassuré sur le fait que tu continues à écrire. Que ce soit pour la Zone ou pas, peu importe. ça me rend super heureux de l'apprendre.
Envoie moi des MP, des mails, tout ce que tu veux. Je suis pas au mieux de ma forme moi-même en ce moment mais je te soutiendrai comme je le pourrai en claudiquant sur mes rotules.
Dans les 2 mois à venir, je ne crois plus qu'il y ait de "Lieux communs" de programmés mais il y a le grand retour de "Thrash boy" que j'ai redécouvert et dont j'ai fait les trailers avec une grande joie. Cependant je ne te cacherai pas que mon insatiable curiosité ne trouvera entière satisfaction qu'à la lecture de la suite des "Cafards" et d'autres supers textes comme ceux que tu as signé sous alias.
bonjour,
bin moi j'aime les histoires. C'est là où je me rends compte, encore une fois, que mon esprit est limité et que mon doctorat en arts ne m'a jamais épanoui ni servi à rien....
mais ça doit être bien, vu qu'il y a plein de lecteurs qui le disent. Franchement, ça m'a gonflé. avec tout le respect.
cdlt
être docteur en art c'est mettre un coup de peinture sur le nez sur les gens malades ?
Exactement ! mais on peut aussi mélanger avec autre chose. Comme du soluté argentique, des bandages de papier craft, des massages à l'huile de lin, etc. Je ne vais pas révéler tous mes petits secrets..
Vu que ce qui m'éclate c'est quand ça éclate, je peux pas dire que j'ai grimpé aux rideaux. Mais j'apprécie l'intelligence manifeste du texte (sur la base du fait que je n'ai pas tout compris, souvent un bon indicateur de sa valeur intrinsèque), la qualité syntaxique indéniable sur la forme (sur la abse du fait que j'ai lu jusqu'au bout, là aussi un bon indicateur) et forcément l'effet "ah ouais" puisque ça me renvoie à un supérieur hiérarchique qui me répondait toujours ça, me faisant passer pour un crétin anti réformiste (crétin sans doute, anti réformiste non, d'ailleurs le pourquoi pas peut être utilisé dans tous les sens). Peut être que le plus grand mal du siècle est le pourquoi pas, et que Mill a mis le doigt dedans (en plein dedans, sic). Ou alors le mal du siècle c'est le "du coup". Mais du coup c'est peut être aussi le "peut être". A creuser.
Ou pas.