Cherchez pas, c’est pas possible. Il faut un œil exercé comme le mien pour réussir à suivre les mouvements du maudit punk. Ca fait des années que j’le pratique, et ça, le lieutenant ne l’a pas vraiment pigé. Thrash Boy, malgré tout ce qui, chez lui, rappelle la bête sauvage, la goule ou l’animal de cauchemar, malgré toutes ses prétentions au statut de bestiole jaillie de l’enfer et dépourvue de la moindre morale, tu peux être sûr que jamais il viendra m’becqueter. Thrash Boy se repère à l’odeur, et moi, pour ses narines de rat d’un autre monde, je pue la mort. Je porte en moi le SIDA, ce virus du siècle dernier dont friqués et pistonnés ont su se préserver depuis la pseudo révolution nationale de 2023. Mais pour paraphraser cette pouffe de BB, je le donne à qui me plaît. Et tant pis si vous voyez pas de qui j’veux parler.
Quand j’ai guidé ces guignols à chewing-gum et Lucky dans le territoire de Thrash Boy, j’ai essayé de les prévenir. Je leur ai expliqué qu’il était bien plus et bien pire qu’un simple cinglé, balaise, sanglant et psychopathe. Quand j’ai commencé à évoquer le cannibalisme, j’voyais bien que ces connards de troufions se foutaient de ma gueule. Alors je l'ai fermée. Merde ! S’ils croient que leurs putains d’uniformes US mes couilles m’impressionnent, ils peuvent toujours aller se faire sucer la rate dans un terrain vague que j’connais : refilez-leur des trav, ils verront pas la différence.
J’leur ai dit. M’ont pas écouté. J’ai bien vu que le Négro, le sergent, à c’qu’il m’a semblé, m’écoutait d’une oreille plus attentive que les autres, mais il se coltinait son lieutenant chicano-sioniste dans l’oreillette. Dans ces cas-là, y a rien à faire. La voix du chef commande et le sous-fifre, toujours en première ligne, se doit d’obéir sans broncher. J’le sais bien, moi. J’ai fait l’Afghanistan en 2009, puis l’Egypte, quatre ans plus tard. Je sais comment ça s’passe.
De là où j’me trouve, j’ai une vue tout c’qu’ y a de précise et détaillée sur le sergent bougnoul. L’enfoiré croit sincèrement avoir bien préparé son coup. C’est même plus que crédible qu’il s’imagine avoir une chance d’en sortir indemne. De son côté, Gomez-Stern reste invisible. Et après on prétendra connement que les Juifs sont partout. Pas le cas de celui-là… J’aimerais pas être à sa place quand Thrash Boy va le choper. Parce qu’il faut pas croire. Il a beau être crétin, le Thrash Boy, il sait repérer les gradés.
Pour la petite histoire, je me suis déjà retrouvé face à face avec l’énergumène : on s’tenait à environ dix, douze mètres l’un de l’autre. Malgré la distance, je voyais ces narines effectuer d’impossibles mouvements, des trucs pas humains, quoi, qui reflétaient sans doute l’improbable palette d’odeurs susceptibles d’être analysées par cet unique appendice nasal. Il reniflait et son nez putride remontait sur plusieurs centimètres, donnant ainsi naissance à des replis sinistres à mi-chemin entre les narines et l’entre-z-yeux. Il a avalé par là ce qui semblait d’énormes quantités d’air, puis voilà qu’il me tourne le dos. J’saurais pas dire comment, mais Thrash Boy a reniflé mon SIDA. Pas question pour lui de me bouffer.
J’aurais peut-être dû en toucher deux mots au lieutenant. J’aurais pu lui être utile. Mais j’y peux rien, j’aime pas les Ricains. C’est des cons. Ils s’imaginent que tout c’qu’y a d’bon, ça vient de chez eux : la bonne zic, les bons films, les greluches, le snack… Parce qu’ils ont le menton carré et l’esprit cool. Qu’ils aillent se faire foutre ! J’attends qu’une chose : que le zombie les boulote tous, et ça devrait pas tarder. Combien il s’en est farci en, allez, va, dix minutes à tout péter ? Douze, quatorze, quinze ? Et tout ça avec des putain de fléchettes censées l’endormir plantées dans sa peau de requin des banlieues… Je me marre.
Ca débarque en uniforme high-tech et armé jusqu’au nombril, avec le dernier cri du commando en goguette et des fléchettes à la con, et ça tient pas un quart d’heure face à ce qu’ils ont le culot d’appeler un déchet. Ce type est invincible et y en pas un pour s’en rendre compte. Ah, bordel, j'me bidonne !
Pour ce qui est du lieutenant, je sais qu’il flippe quelque part dans un sous-coin derrière un ersatz de rempart qui ne lui sera d’aucune utilité. Autant dire qu’à moins d’un coup de chance, le pignouf est bien parti pour rejoindre le clan des cannés. Mais là où j’me planque, j’aperçois que Parker.
Ah ! Parker. Le sergent. Quarante piges facile, vétéran jusqu’à la moelle du cigare qu’on sait même plus qui fume quoi. J’me rends bien compte qu’il prend ses précautions, qu’un adversaire normal en viendrait pas à bout comme ça, pan, les doigts dans l’nez. En même temps, j’peux pas m’empêcher de me dire que je pense à un mort. Il va y passer, le bougre, pour sûr.
Il faut bien que j’ellipse à un moment ou un autre, que j’adresse un doigt au temps pour qu’il se vexe et fasse la gueule. Sinon, j’raconte quoi, moi ? Entre des GI’s qui s’la pètent méga pros, mais qui valent pas deux pilules bleues (Sky de piteuse qualité + Gini on the rocks) s’il fallait absolument les échanger contre Nike sait quoi, et cette espèce de mort-vivant doté de pouvoirs surhumains qu’est Thrash Boy, je suis bien obligé de ralentir l’enchaînement des événements. Vous voulez voir clamser Parker, j’me trompe pas, hein ? J’veux dire : le voir vraiment, une de ces bonnes vieilles morts de cinéma de quartier, de celles qui s’inscrivent dans la durée, avec moult détails et de l’action à foison ? = ajouter un commentaire =
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Bel exercice de style où Mill se glisse dans la peau d'un gros blaireau.
Dernier texte de Mill en stock publié. Vraiment hâte qu'il revienne avec du matériel frais. J'espère que ça le titille au moins de reposter un truc sur le site. REVIENS § TU NOUS MANQUES §