Elle s’affaisse pendant que ses cuisses s’étalent. Le moral sous le canap’, le gras au-dessus du legging. À force de bosser seule, elle a oublié ce que c’est qu’un regard en coin, une remarque passive-agressive devant la machine à café : “Tiens, t’as changé, non ?” Traduire : t’as pris cher. Elle se dilue. Littéralement. Plus de contours, plus de repères. Juste un corps qui s’étale .
Mais voilà : y’a plus de collègues. Y’a plus de café. Y’a plus rien. Juste des stand-up matinaux qui puent l’angoisse, deux rituels Teams pour faire semblant d’exister, et une to-do list qui la regarde comme un miroir déformant : “T’es encore utile, hein ? Dis ?”
Et ouais, elle l’était. Brillante, précise, technique. Le genre à qu’on file les dossiers moisis parce qu’on sait qu’elle va les gérer sans chialer. Elle pourrait crever sur son tapis de yoga, trois jours avant qu’un mail automatique n’alerte quelqu’un. Le full remote, c’est pas pour les glands. C’est pour ceux qu’on croit assez solides pour sombrer sans faire trop de bruit. Pour les dociles, les forts, ceux qui encaissent la solitude comme des grands. Ceux à qui on peut refiler la merde en sachant qu’ils la rendront propre et parfumée.
Mais le problème, c’est pas les skills. Le problème, c’est le moment où ton nom disparaît d’un organigramme sans que personne s’en rende compte.
Quand t’es virée en remote, y’a pas de pot de départ. Pas de regards gênés. Juste un mail qui claque, un accès coupé, et le vide. Un vrai.
Et après, faut “rebondir”. Traduction : faut mendier. Se vendre. Espérer qu’un recruteur swipe à droite sur ton profil LinkedIn. Faut supporter les refus sans explication, les silences de plomb, les “votre candidature n’a pas été retenue” qui te giflent sans pitié. Pas parce que t’es nulle, non. Parce qu’une autre a coché plus de cases. Ou su sourire. Ou pesait cinq kilos de moins.
Les baffes, t’en prends. En solo. Sans salle de pause pour les digérer. Sans collègue pour te dire “j’te comprends” entre deux gorgées de jus tiède. Juste toi, ton ordi, et ton reflet dans l’écran noir quand tu fermes tout trop vite.
Et pourtant, un jour, elle s’est réveillée. Vraiment. Elle a arrêté de s’inventer des raisons, des pauses, des distractions. Elle a cherché. Viscéralement. Elle a foutu un jean, elle a bossé son CV comme une guerrière, elle a balancé ses tripes dans une lettre de motiv’ que personne lirait en entier.
Et elle a trouvé.
Pas un poste planqué derrière une connexion fibre. Non. Un vrai taf. Un vrai bureau. Du néon blafard, du café immonde, des gens chiants.
Et peut-être même un miroir. Un vrai.
![[illustration]](/data/img/images/2025-10-13-full_remote-big.jpg)
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Encore un uppercut littéraire dans la rubrique. à force d'en encaisser, on va tous fini KO.