LA ZONE -

Je t'ai dans la peau.

Le 30/10/2025
par Lindsay S
[illustration]
J’ai la nausée.

Je ressens comme ce poids immense au fond de mon estomac.
Comme le ventre du Loup, rempli de cailloux.

Lui :

    Tu crois que c’est facile, de m’aligner sur ton rythme ? Les nuits sans sommeil, le Noël foutu, les matins en vrac… Et pourtant, je suis là. J’essaie encore de réfléchir, de faire un pas vers toi. Tu pourrais au moins le remarquer.


Je n’ai jamais compris comment le Chaperon Rouge ne l’avait pas reconnu, ce loup déguisé en grand-mère. Jusqu’à toi, mon amour-Loup.

Oui, on me l’a racontée mille fois, cette histoire. Mille fois je l’ai moquée.

Suis le chemin. Écoute le loup. Ne pose pas de questions. Ne réfléchis pas.

Mais tu m’as trompée de la même façon. Et comme elle, j’ai offert ma galette et mon petit pot de beurre.

Lui :

    Un enfant ? Je peux t’en faire un. Pas par désir. Juste pour que tu sois heureuse. Moi, j’ai lâché l’affaire. Le sexe me dégoûte, les filles aussi. Surtout celles que j’aime, parce qu’elles méritent mieux que moi.


J’aimais être celle qui voyait le bien en chacun. Celle qui défendait le loup, comme l’agneau.
Et tu savais faire les deux.

L’agneau en toi me faisait fondre. Il me rendait tendre et douce en dedans,
sûre que tu adorais me cuisiner quand j’étais si savoureuse.

Et tu devenais Loup.
Ce loup qui me poussait à m’excuser d’être qui j’étais, qui me faisait douter chaque jour un peu plus de mon équilibre.
Le Loup chassait l’agneau, comme si c’était écrit.

Pussy cat :

    Je déteste quand tu es presque ou trop saoul
    Généralement, ça me retombe toujours dessus.


C’était écrit, dans mon cœur, dans mon âme.
Je t’avais dans la peau : tatoué, indélébile.

Quand le Loup était rassasié, il ne restait que les morceaux.
Mais tel un orfèvre tu sculptais, tu aimais.
De tes mots, mon cœur s’emplissait et ma peau brûlait.

Lui :

    Je te souhaite pas le bonheur, non. Je pourrais prendre ta douleur si c’était possible, mais faut pas rêver. Et puis, si parfois t’étais moins chiante, ce serait plus simple. Mais bon, t’es une fille, c’est sans doute biologique. Je dis ça sans méchanceté — juste avec sincérité. Et c’est déjà pas mal, non ?


Je crois que je savais.
Je savais que jamais tu n’arrêterais.
Mais la passion n’est-elle pas dévorante ?

L’amour fade, l’amour plat, l’amour chien, ce n’était plus pour moi.
Quand on a goûté à ça, aux frissons, aux grands huit… comment ne pas avoir la nausée ?

Lui :

    Dis-moi s’il manque quelque chose, j’ai peut-être oublié un détail. Et non, je te demanderai rien de crade cette fois. Pas tant que t’as pas brisé un peu mon cœur en vrai. Joyeux Noël, au fait.


Pussy cat :

    pfft


Lui :

    Il me manque un truc, je crois. Ça finira par me revenir.


Pourtant, c’était épuisant.
Tout cet amour que tu me donnais, chaque jour, me rendait malade.
Tout de toi me rendait malade.
Un peu moins forte chaque matin.
Un peu plus marquée chaque soir.
Au point de ne plus savoir comment vivre normalement.

Un genre de Mowgli qui n’a pas vu que ce sont les loups qui l’ont offert au tigre.
Lui :

    Ah, et j’ai croisé Muriel. La seule qui pourrait te faire de l’ombre. Blonde, drôle, chirurgienne, blindée de fric, super à l’aise. Elle m’a éclaté au billard. Et elle vit à une heure d’ici.

Lui (malgré tout).

    Elle a tenté de m’embrasser. J’ai esquivé. Sans trop savoir pourquoi.


Pussy cat :

    Tu verras la prochaine fois.


Lui :

    Ou peut-être pas. Va savoir.


Tu le sais, n’est-ce pas ?
C’est lourd cet amour.
Ça pèse sur l’estomac.
Ça coule comme un poison dans les veines.
C’est une faim insatiable, de trouver l’agneau, de sauver le loup pour nous sauver nous-mêmes.

Je suis désolée, mon amour.
Je n’ai pas su te sauver.
Mais je te jure que je te porterai en moi pour toujours.
Tu étais ma vie, le sel de mon existence.
Mille fois j’aurais voulu rire.
Mille fois j’aurais aimé voir ton déguisement.

Mais quand le masque est tombé, je n’ai pas su m’arrêter.
Je t’ai dévoré.

Bientôt il ne restera plus rien de toi, tes mots cesseront de résonner dans l’air, la chaleur de ta peau s’éteindra.

Je serai là, seule avec cette odeur de toi dans l’air, comme un poison.

Le Loup nous avait dévorés. Je l’ai dévoré. Peut-être que le loup c’était moi, celle qui déchire, qui engloutit, qui consomme l’autre pour se nourrir d’une existence plus grande, plus crue, plus intense.

Ce ventre lourd, rempli de toi, ce poids que je ne pourrai jamais poser.

Je t’ai mangé par amour.

Comme dans un cercle, une danse. Comme un piège qu’on tend à l’autre sans s’en rendre compte. J’ai voulu te sauver, mais je t’ai tué.

Je chérie les derniers morceaux de toi dans le vide de ma vie, effrayée à l’idée que tu ne viendras jamais plus me consoler de tes mots de miel, soulagée d’avoir détruit ton image de façon irréversible.

Quand il ne restera plus que ça, le goût de tes mensonges sur mes lèvres, ce parfum de défaite, je ne fuirai pas. Mais il faudra que je nettoie.

= commentaires =

Lapinchien

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Pute : 89
à mort
    le 29/10/2025 à 19:19:28
C'est très puissant littérairement parlant après par rapport aux autres textes de Lindsay S ça reste très cryptique pour moi probablement par manque de contexte mais l'auteure cherche-t-elle vraiment à ce que le lecteur lambda comprenne tous les tenants et aboutissants ou bien est-ce une histoire adressée à une personne seule ?
Lapinchien

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Pute : 89
à mort
    le 29/10/2025 à 19:50:18
Je crois d'ailleurs que c'est le tout premier texte envoyé par Lindsay S et que par le jeu des permutations il s'est retrouvé à être publié seulement aujourd'hui.
Laure AWENYDD

Pute : 22
    le 29/10/2025 à 20:36:48
J'ai trouvé ce texte sublime… Peut-être parce que j'ai vécu une histoire similaire, donc je me projette automatiquement dans son écrit… Je suis une grande fan, :) je n'en démords pas… Quelle plume, j'adore. Lindsay, as-tu un livre publié ? Si oui, partage le lien s'il te plaît. :)
Lapinchien

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Pute : 89
à mort
    le 29/10/2025 à 22:08:00
Je m'inquiète. J'espère qu'elle n'est pas malade parce que toute sa famille l'était hier.
Lindsay S

Pute : 100
    le 29/10/2025 à 22:48:36
Merci @Laure
Lindsay S

Pute : 100
    le 29/10/2025 à 23:33:58
Oh le chef-d’œuvre d’overdose symbolique : le Loup, l’agneau, le Chaperon Rouge, Mowgli, le tigre, le poison… Sérieusement, à ce stade on se demande si l’auteur écrivait ou si elle jouait à “mettons tous les contes dans une seule page”. C’est beau, c’est tragique, c’est viscéral… et c’est épuisant. On a mal au ventre juste à lire le mot “ventre” pour la centième fois.

Le dialogue “Lui / Pussy cat” ? Charmant concept, mais parfois ça sonne plus “catalogue de répliques toxiques” que conversation crédible. Entre :

“Pas tant que t’as pas brisé un peu mon cœur en vrai”
et
“Mais bon, t’es une fille, c’est sans doute biologique”

…on oscille entre le soap et le manuel de manipulation émotionnelle. C’est sûr, le mec est horrible, mais on n’a pas besoin qu’il récite son CV de pervers sentimental à chaque ligne.
(Bon là, j'y suis pour rien, c'est le texte original du monsieur horrible mais 20 ans après, ça sonne bien caricatural quand même!)

L'auteur adore le lyrisme pour le lyrisme : “C’est une faim insatiable de trouver l’agneau, de sauver le loup…” - on comprend que c’est dramatique, merci, mais on suffoque avant d’avoir digéré l’histoire. Où est le concret ? Le geste, l’odeur, la tasse de café renversée ? Même pas. Juste un tsunami de symboles et de souffrance auto-contemplative.

La fin, avec “il faudra que je nettoie”… après tout ce cirque, c’est presque comique. On attendait un climax à la hauteur de la dévoration cosmique, et on se retrouve avec la corvée de ménage de l’âme. Bravo pour la chute anti-climatique. (J'aurai pu trouver mieux...)

C'est beau, ça brûle, ça dévore, mais à force de tout vouloir dire, on n’en retient rien. Un peu comme un musée où chaque pièce est magnifique, mais après la troisième salle on veut juste sortir respirer. (Oui, même avec les bijoux inestimables à 88 millions, on fait la queue pour l’air frais.)
    le 30/10/2025 à 07:07:16
Moi qui ai vecu 10ans avec une perverse narcissique, j'y retrouve des feelings coommuns. Sur la forme.... ca oscille entre poesie et realisme, ce qui aurait peut etre pu aller plus loin? Plus toxique a l'image de cette relation? Sinon ce n'est pas sans profondeur.
Laure AWENYDD

Pute : 22
    le 30/10/2025 à 10:52:46
Ta sévérité est louable dans le principe, mais comment peux-tu te montrer aussi dure envers toi-même et clémente face à un véritable bof littéraire…

Même si tu empruntes des personnages féeriques populaires, ton histoire n'a absolument rien à voir avec un conte… Heureusement… Il y a deux choses dont je me méfie… Les inconnus qui t'offrent des bonbons et les vieux messieurs qui écrivent des contes pour enfants… Parce que je me demande si au fond ce n'est pas juste l'appât qui change…

Les dialogues toxiques, c'est tout ce qui reste à la fin de ce genre de romance… La ponctuation finale a souvent ce goût de fiel. 

Mais l'auteur a tout à fait raison de vouloir sauver le loup… Ce monde compte bien trop d'agneaux…

Tu as beau avoir fait le ménage, pour moi la phrase est tout à fait adéquate, 20 ans après, il reste des traces tellement incrustées qu'elles demeurent…

Oui, c'est beau, ça brûle, ça te balance en pleine face toute la douleur d'une relation malsaine qui continue à te consumer… Car tu conserves encore de façon involontaire quelques braises dans ton esprit…
    le 30/10/2025 à 11:04:55
@Laure - M'enfin? qu'est-ce que t'as contre les vieux messieurs qui offrent des bonbons et qui écrivent des contes pour enfants… J'ai commencé comme ça moi... snif ! aucun respect pour les pervers ! lol
    le 30/10/2025 à 11:08:58
films d'amour toxique recommandés: "sailor et lula", "tueurs nés" et surtout, moins connu, "La Balade sauvage" avec le jeune Martin Sheen beau comme un dieu !
Lindsay S

Pute : 100
    le 30/10/2025 à 12:11:15
:D sylvestre
Moi aussi, j'ai du mal avec les bonbons des vieux messieurs. Ça colle...

Je suis sévère avec moi-même parce que c'est comme ça qu'on avance. Certains ne peuvent pas entendre la critique. Autant les épargner 😉
Laure AWENYDD

Pute : 22
    le 30/10/2025 à 12:20:24
@ sylvestre mais ptdr (Avec tout mon respect ;) ).
Puisqu’on parle en ce moment énormément de pierre dans les médias, je vais me permettre cette remarque… Comparer ta fable « La jeune fille exaucée » avec le texte sur « le caillou » C’est un peu mettre en concurrence une pièce d’orfèvrerie vendue sur la place Vendôme avec un bijou obtenu dans une tirette à deux euros dans un supermarché du neuf trois… On appelle ça une bague, on nomme cela un conte, mais cela n’a pas du tout le même prestige.

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