Scène I
Dans un petit studio à Paris, une jeune propriétaire (ANNA) examine les lieux.
Douze coups résonnent dans la salle
ANNA
J’arrive !
MATHILDE
Salut.
ANNA
T’es obligée de frapper comme ça à la porte ?
MATHILDE
Non.
ANNA
On va faire ça vite je dois y aller. Donc là t’as le salon.
MATHILDE
Je vois.
ANNA
Avec la cuisine directe, là, c’est pratique.
MATHILDE
Ah oui.
ANNA
Les toilettes.
MATHILDE
Pratiques.
ANNA
Mais je suis con, t’es déjà venue chez moi !
MATHILDE
Oui.
ANNA
Tu connais déjà.
MATHILDE
Oui.
ANNA
Bah pourquoi t’as rien dit ?
MATHILDE
Je sais pas.
ANNA
Bref.
MATHILDE
Bref.
ANNA
Bref. C’est pas compliqué : je te laisse les clefs et quand tu pars tu les laisses dans la boite aux lettres.
Silence
MATHILDE
D’acc.
ANNA
Tu l’as déjà fait ça, en fait ?
MATHILDE
Oui, oui c’est vrai.
ANNA
T’as déjà dormi ici ?
MATHILDE
Yes.
ANNA
Bah pourquoi t’as rien dit ?
MATHILDE
Euh, pourquoi j’ai rien dit ?
ANNA, sans l’écouter
Bon, alors parfait.
MATHILDE
Parfait.
ANNA
Tu peux arrêter de faire ça ?
MATHILDE
Faire ça quoi ?
ANNA
Répéter tout ce que je dis.
Silence
MATHILDE
Je répète tout ce que tu dis ?
ANNA
T’as pris de la drogue ?
MATHILDE
J’ai pris de la drogue ?
ANNA
Nan, c’est une question.
MATHILDE
Ah ok.
Silence inquiet
ANNA
Faut pas que ce soit le bordel Mathilde. La voisine du dessous est chiante, déconne pas please.
MATHILDE
Anna…
ANNA
Ah non je préviens juste, on sait jamais si t’as envie de devenir folle pile à ce moment-là… Je demande à quelqu’un d’autre.
MATHILDE
Tout va bien.
ANNA
Tu vas gérer ?
MATHILDE
Tout va bien se passer… Tu peux compter ssssssssuuuurrrr…
MATHILDE, l’air inquiet, regarde derrière ANNA, qui se retourne. Puis ANNA revient vers elle et sourit
ANNA
Bon. C’est vrai que t’as l’air en forme.
MATHILDE
C’est la drogue.
ANNA
Parfait. Faut juste que tu sois là physiquement demain quand je t’appellerai.
MATHILDE
Je serai là physiquement.
ANNA
Et mentalement. Un minimum.
MATHILDE
Ok.
ANNA
Bon je crois que tout est bon. Ça s’est bien passé ici la dernière fois ?
MATHILDE
Bgrlmmmpff.
ANNA, sans l’écouter, préparant sa valise
Très bien. Je compte sur toi pour gérer ça ?
MATHILDE
Bruit de cheval
ANNA, même jeu
Bon. T’es sympa de faire ça pour moi, toi. T’es gentille, merci. Ça m’inquiète de le laisser seul, mon petit studio adoré !
MATHILDE, romantique
Oh, mais… c’est un plaisir. Parce que tes yeux quand tu me regardes…
ANNA
Nan-nan, j’ai pas le temps.
MATHILDE
Ah.
Silence
Mais t’es sûre que tes yeux- ?
ANNA, lève un doigt en l’air
Je t’appellerai demain pour voir comment ça s’est passé.
MATHILDE
Eh, t’as pas besoin de t’inquiéter comme ça : je gère !
ANNA
Je sais. C’est ce sourire d’imbécile qui m’inquiète.
MATHILDE, souriant
Je comprends.
ANNA
Laisse la voisine tranquille, fous pas le feu, pas de Police, et surtout…
MATHILDE
Surtout ?
ANNA
Fous pas le feu.
(Un panneau FOUS PAS LE FEU ! s’allume au-dessus de la scène)
MATHILDE, riant
Cette idée ! Je sais même pas comment on fait du feu !
ANNA, sourire qui dit : « Justement ! »
Oui… Bon, tu fais tout comme on a dit.
MATHILDE
Bien sûr que non- que oui ! Bien sûr que oui…
ANNA
Tu te rappelles de tout ?
MATHILDE
Pas du tout- … de tout, je veux dire ! Je me rappelle de tout !
ANNA
Bon. Et-
MATHILDE éternue et se mouche bruyamment, pendant qu’ANNA parle en lui montrant des choses dans la cuisine.
ANNA
…Parce que si tu fais pas ça, le studio va cramer en moins de deux heures.
MATHILDE
Parfait. … Enfin ok, oui-oui je vois.
ANNA
Tu veux pas faire cramer le studio ?
MATHILDE
Pas que je sache. (romantique) Tu sais Anna, pour toi je ferais-
ANNA
Pas maintenant Mat’ !
MATHILDE
Mais tes yeux, c’est comme des petits-
ANNA
Non.
MATHILDE
Juste des tout petits-
ANNA
Non !
MATHILDE, résolue
Je t’assure que si.
ANNA
Bon alors j’y vais. Attention à mes petites affaires.
MATHILDE, romantique
Tes petites affaires…
ANNA, riant
Pas le temps !
ANNA claque la porte, laissant MATHILDE seule au milieu d’une phrase, les bras en l’air.
Scène II
MATHILDE, se drapant dans une taie d’oreiller et posant ses mains sur un pupitre imaginaire, s’adressant au public
Hum ! Nous voici donc réunis en ce saint jour de Notre Seigneur pour rappeler à notre mémoire le petit Albert, qui nous a tragiquement quittés pour partir en colonie de vacances, dans un volcan- (regarde une feuille imaginaire) Oups ! Je me suis trompée de fiche. Excusez-moi je- (change de voix) suis ravi de vous accueillir aujourd’hui, mes frères et sœurs, pour célébrer… ?... pour célébrer !
JULIEN et RAPHAËL dans le public applaudissent. MATHILDE s’interrompt pour les regarder, mécontente. JULIEN et RAHPAËL se lèvent discrètement du premier rang et vont se placer derrière la porte du studio
MATHILDE
Je parcours des yeux cette assemblée et je remarque que vous n’êtes pas là. Cela ne doit en rien diminuer notre volonté d’atteindre au but !
Elle s’arrête. Puis se dirige vers la porte et l’ouvre. Sur le seuil se trouvent JULIEN et RAPHAËL
JULIEN
Toc toc.
RAPHAEL
Hello Mathilde !
MATHILDE
Installez-vous, j’avais déjà commencé. Voilà. Donc ! Comme je le disais, rien ne doit nous arrêter dans la poursuite de notre but.
RAPHAEL
S’il vous plaît. Question.
MATHILDE
Oui ?
RAPHAEL
Question !
MATHILDE
Mais certainement : prenez le bâton de parole
MATHILDE tend à RAPHAËL le premier objet qui lui tombe sous la main, par exemple un chat
RAPHAEL, parlant dans le bâton de parole comme dans un micro
Merci.
MATHILDE
Le plaisir est pour moi.
RAPHAEL
Je… peux poser ma question ? Un-deux, un-deux (RAPHAËL tapote sur le bâton de parole)
MATHILDE
Pose ta question !
RAPHAEL
Voici ma question : Vous avez mentionné un but.
Silence
MATHILDE
La question ?
RAPHAEL
Le but, c’est quoi ?
MATHILDE, prenant un air grave, fait quelques pas dans pièce, passe sa main dans ses cheveux, soupire un peu, et :
Pfiout. Aucune idée on s’en fout. Il faut boire ! Boire, mes frères, jusqu’à ce qu’on en oublie nos prénoms et notre existence sur Terre ! Boire pour défier le hasard et le poids de nos corps sur cette planète vivante ! Boire pour écraser le monde et régner sur l’autre monde de néant qui remplacera nos cerveaux et nos dents ! Boire, mes frères, nous fait peut-être vivre en pleurant, mais peut-être aussi, peut-être, mourir en riant ?
RAPHAEL, JULIEN
Yeah ! Yeah ! Yeah ! Ouhaah !
MATHILDE, murmurant
Merci.
JULIEN
On a de l’alcool ?
MATHILDE, murmurant
Non.
JULIEN
On a de la tune ! Vous avez des tunes vous ?
MATHILDE
Non.
RAPHAEL
Je connais quelqu’un qui a de l’argent.
MATHILDE
Appelle !
RAPHAEL
Je peux pas.
MATHILDE
Pourquoi ?
RAPHAEL
J’ai pas son numéro.
JULIEN
Tu connais pas quelqu’un qui l’a ?
RAPHAEL
Si.
JULIEN
Appelle !
RAPHAEL
Je peux pas.
JULIEN, agacé
Pourquoi ?
RAPHAEL
Je lui dois de l’argent.
MATHILDE
Dis-lui que tu le rembourseras après avec la tune que le premier va te filer.
RAPHAEL
Comment ?
MATHILDE
Appelle le gars. Demande-lui de la tune. S’il te demande de le rembourser d’abord appelle le deuxième et demande-lui de la tune en disant que t’en as demandé au premier et qu’il lui filera après qu’on t’en aie prêté encore un peu. Si le deuxième te croit pas, fais le contraire.
RAPHAEL, plisse les yeux
Ah ouais ok... Pas con. Je l’appelle, et je lui demande de m’avancer encore de la tune, et que c’est l’autre qui le remboursera pour moi ? C’est ça ?
MATHILDE
Non.
RAPHAEL
J’appelle… (Il compose le numéro, une sonnerie sonne dans le public) Allooo ? Ouais, ça va ? Oui. Oui. Ouais je sais. Je sais. Bah justement, je t’appelle pour que tu m’avances encore un peu. Non. Ouais j’aurai cette fois. Tu demanderas à… Machin de te rembourser pour moi. Yes. Ouais. Ouais. (Il raccroche)
MATHILDE, JULIEN
Alors ?
RAPHAEL
Il va demander ma tune directement à Machin.
MATHILDE
Mais notre tune à nous ?
RAPHAEL
Nan.
JULIEN, se levant et marchant dans la pièce
On pourrait faire autre chose que déplacer les dettes de Raphaël, ça m’intéresse pas du tout.
MATHILDE
Julien, t’as des tunes.
JULIEN
Non.
MATHILDE
Si.
JULIEN
Non.
MATHILDE
Moi non plus. (À Raphaël) Tu connais personne d’autre qu’on pourrait appeler ?
RAPHAEL
Si.
MATHILDE et JULIEN
Appelle !
RAPHAEL
Je peux pas.
Silence.
RAPHAËL regarde JULIEN et MATHILDE
Vous demandez pas pourquoi ?
MATHILDE, au public
Nan, ça devient épuisant.
Silence tendu
Donc pourquoi tu l’appelles pas, ton gars ?
RAPHAEL
J’ai marché sur son hamster.
JULIEN, discrètement
Je connais un hamster…
MATHILDE
On lui en rachète un avec la tune qu’il nous donne.
RAPHAEL
Et j’ai dépucelé sa sœur à son insu.
MATHILDE
A l’insu de qui ?
JULIEN, devant le frigo
Mais y’a plein d’alcool dans le frigo ! (air coquin et raffiné, liste dite finement avec une pause entre chaque nom, accélérations par moment, con spirito) Il y a juste mes boissons préférées : Cointreau, Cognac, Porto, Armagnac, Eau de poire, Whisky, Rhum, Gin, Vodka, Téquila, Pastis, Picon, Gewurz, Bourgogne, Grenade, (pousse un soupir) Groseille, Genièvre, Ouzo, Absinthe, Pontarlier…
MATHILDE, souriant
Je ne crois pas que le frigo soit aussi grand.
JULIEN, l’air absent
Amaretto, Bacardi, Cynar, Daisies, Eggnogs, Floc, Glayva…
RAPHAEL
Il les fait dans l’ordre alphabétique.
JULIEN
Grande Champagne…
MATHILDE
Comment il va faire au H ?
JULIEN
Galliano… Grand Marnier…
RAPHAEL
Je crois qu’il est bloqué au G.
JULIEN
Gentiane… Grappa… (Il grimace) Grappe Blaaaanche…
HIGHLAND MALT ! Izarra, Juleps, Korn…
MATHILDE
Il l’a passé c’est magnifique !
RAPHAEL
Ouais, mais le plus dur est à venir : la lettre L.
JULIEN
Kabanes… Kahlua…
MATHILDE
T’as raison, il est bloqué au K.
JULIEN
Kirshhhh… (il grimace) Kummeeeeel… LOWLAND MALT ! Marsala, Noyau, Oloroso, et j’en passe !
MATHILDE
Waou, mon ami ! Tes connaissances sont vastes !
JULIEN
Il y a juste assez d’alcools pour préparer mon petit cocktail spécial.
RAPHAEL
Ramène ça ici. Mais dis-moi, chère sœur : y’aura qui comme meufs ce soir ?
MATHILDE
Pas. Elles sont toutes en vacances.
RAPHAEL
Parfait, alors je vais te réjouir le cul !
MATHILDE
Pardon ?
RAPHAEL
On a croisé une meuf en chemin, on lui a parlé de la soirée, elle va peut-être venir, elle est très jolie !
JULIEN, dans ses préparations alcooliques
Ultra-bonne.
RAPHAEL
Tu vas aimer, c’est ton genre un peu.
MATHILDE
Genre comment ?
JULIEN, regardant ses cocktails avec fierté
Méga-bonne.
RAPHAEL
Mince, cheveux noirs bouclés, tête blanche, yeux d’oiseau globuleux.
MATHILDE
Je vois. Elle avait une valise ?
RAPHAEL, JULIEN
Ouais.
JULIEN, remplissant les verres sur la table
Ultra-bonne putain.
MATHILDE
C’est ma pote Anna ?
RAPHAEL, JULIEN
Hein ?
MATHILDE, montrant Anna dans le public
C’est elle ?
RAPHAEL, JULIEN
Ouais.
MATHILDE
Bouffons ! C’est chez elle qu’on est ! Elle me confie son appart et tu lui parles de soirées, et tu l’invites chez elle ! J’espère que t’as rien dit de grave.
RAPHAEL
J’ai dit qu’on allait foutre le feu, je crois.
MATHILDE
Ah non pas ça ! Elle a dit spécifiquement qu’elle voulait pas qu’on foute le feu. Elle me l’a précisé, je m’en rappelle très bien. Je crois même que c’est marqué quelque part. Ah mais oui putain elle m’a envoyé un texto. Olalala…
RAPHAEL
Qu’est-ce que ça dit ?
MATHILDE
‘’Je me suis faîte draguée par deux relous dans l’immeuble. LOURD ! Évite-les si tu peux.’’ Trop tard, chère amie, trop tard ! L’étincelle flotte, le vent souffle et l’air est sec ! On va foutre le feu, c’est sûr !
RAPHAEL
Mais non, calme-toi ! On n’a encore rien fait. Y’aura que nous trois ce soir, on peut pas faire grand-chose.
JULIEN, leur tendant chacun un verre
(À MATHILDE) Essaye de verser ça là où ça brûle, tu vas voir. C’est une potion légendaire. On raconte que personne n’y a jamais survécu.
Les trois boivent
RAPHAEL, portant la main à son cœur
Je confirme.
MATHILDE
Rhaaaaaaa !
JULIEN, s’installant confortablement
Alors dis-moi, Mathilde, pourquoi Anna t’a confié son appart ?
MATHILDE
Elle a peur qu’il lui arrive quelque chose. Et puis elle sait que j’aime bien squatter. Et puis elle a pas confiance, avec la voisine (c’est une mégère).
JULIEN
La voisine est une mégère ? Et pendant combien de temps ?
MATHILDE
Combien de temps quoi ?
JULIEN, confus
Je sais pas.
MATHILDE
T’es con.
JULIEN
Combien de temps tu dois garder l’appart ?
MATHILDE
Pas longtemps. Faut que je sois là pour son retour. A dix heures.
JULIEN
C’est dans dix minutes !
MATHILDE
Du matin, crétin.
JULIEN, soupire de soulagement
Je nous ressers.
RAPHAEL
Donc personne d'autre ce soir ?
MATHILDE
Apparemment non. A part si on décide d’inviter la vieille du dessous. Donc ce sera une soirée glorieuse entre puissances ! Même peut-être une soirée tranquille si Julien continue comme ça.
JULIEN, continuant de préparer ses cocktails
(Posant son doigt sur sa poitrine) La créature. (Montrant du même doigt le verre devant lui) Le Créateur ! Il n’y aura jamais d’excuse pour refuser un petit cocktail.
MATHILDE
C’est quoi le nom de ton cocktail ?
JULIEN, remplissant son verre avec tous les alcools forts
« TOUT. »
MATHILDE
Et après ça tu te souviens de quelque chose ?
JULIEN, finissant son verre d'un trait
Rien.
MATHILDE
Tu fais quoi, Raphaël ?
RAPHAEL
Puisqu’il y aura personne d'autre ce soir je prépare une tisane à l’opium.
JULIEN
Mes camarades, je bois à la santé de tous ceux qui sont morts glorieusement pour qu’on puisse glorieusement gâcher nos vies… glorieusement. Mathilde, s’il te plaît, parle comme Shakespeare…
MATHILDE
Ouais. … (Elle ferme les yeux, se lève, prend une grande inspiration, éternue et commence) Depuis toujours, l’homme boit... Il boit pour oublier, et il a si bien fait qu’il ne sait plus ce qu’il doit oublier... (Elle boit une gorgée) Qu’est-ce que je disais ?
Elle reste hébété, la musique démarre, bruyante (Link Wray- The Swag). Raphaël prépare sa tisane à l’opium, Julien continue ses potions, danse un peu comme un fou, ressert tout le monde, tout le monde danse (robot, poule, singe, cavalier, claquettes, disco, rappeur, aérobic, etc).
Puis, on entend des coups à la porte, boum boum boum
Scène III
FOUETTARD
HEY !
Silence
Bande de sauvages !
boum boum boum
MATHILDE, RAPHAËL et JULIEN restent muet.tte.s
FOUETTARD
Hého ! Vous m’entendez là-dedans ! Ça suffit le boucan !
MATHILDE
Les voisins sont prompts.
FOUETTARD
J’appelle la Police !
MATHILDE, à RAPHAËL
Coupe le son.
RAPHAEL
Qu’est-ce que c’est que ça ?
FOUETTARD
Ils arrivent, vous allez voir !
JULIEN
C’est la mégère !
FOUETTARD
Ah ! Haha ! Vous allez voir, petits malins ! Vous allez déchanter !
boum boum boum
RAPHAËL
Elle a l’air sympa.
FOUETTARD
Les flics arrivent, vous allez vous calmer !
MATHILDE
C’est chiant. Qu’est-ce qu’on fait ?
JULIEN
Essaye Shakespeare.
MATHILDE
Comment ?
JULIEN
Essaye Shakespeare sur elle, ça va peut-être la calmer.
MATHILDE
Que je parle comme Shakespeare à la mégère ? C’est une idée super bizarre. Vas-y, c’est ça, peut-être, la solution… (Boum boum boum) Shakespeare. Concentration.
(Boum boum boum)
MATHILDE, fermant les yeux, se lève, prend une grande inspiration, éternue et :
Ola ! Vieille femme ! Toi qui tambourine à ma porte comme sur un tambour de guerre ! (Boum boum boum, MATHILDE éternue) Accepte d’enterrer la hache que tu nous as réservée, et viens plutôt frapper sur les cordes de ma guitare. (Boum boum boum, MATHILDE éternue encore) Au lieu de crier comme une folle, viens chanter comme une folle que la rancœur de la vieillesse et la colère de la jeunesse apaiseront dans une puissante harmonie !
Les coups ont cessé
FOUETTARD
Qu’est-ce que c’est que ce charabia ?
MATHILDE
Pardon ?
FOUETTARD
Qu’est-ce que c’est que cette merde ?
MATHILDE
Shakespeare.
Silence
FOUETTARD
Écoute moi bien, Fessepire, la Police arrive, tu vas pouvoir raconter ça au poste, on va voir ce qu’ils en pensent !
RAPHAEL
Ça ne fonctionne pas.
JULIEN
Essaye autre chose.
MATHILDE
Vas-y toi !
Les coups reprennent
JULIEN
OK. La douceur ne marche pas…
MATHILDE, RAPHAËL
La violence !
MATHILDE
Essaye Céline !
JULIEN
Tu choisis donc la prison. (Boum boum boum)
MATHILDE
Dans tous les cas on y va là. Si les flics nous font pas chier pour tapage, avec ça (en montrant la porte qui tremble)
RAPHAEL
Essaye Michael Bay.
JULIEN
Quoi ?
RAPHAEL
Michael Bay, c’est un violent.
JULIEN
Michael Bay ? C’est un réalisateur ? Tu veux que je fasse un réalisateur de films, c’est ça ? … Tu veux que je fasse quoi ? Un film entier ? Ou tu veux que j’imite Michael Bay devant la porte, genre « Hey, ramène-moi un soda s’il te plaît ! Prise 5, ça tourne ! (vers la porte) SILENCE ! » (Boum boum boum) Je vais imiter un réalisateur de films violents ça va lui faire peur ! Et un vendeur de glaces à la crème, ça va lui faire froid dans le dos ! Et un prof de gym, elle prendra ses jambes à son cou !
RAPHAEL
Ça va, olalaaa, t’es pas obligée de t'exciter comme ça. J'ai des sentiments tu sais. Fais ton truc, fais ce que tu veux, moi je propose hein. Mais dans ce cas, je dis, j’ai une idée : faut la faire rire. (Boum boum boum)
MATHILDE et RAPHAËL
Mangeclous !
(Boum boum boum)
JULIEN, ferme les yeux, se lève, prend une grande inspiration, éternue et :
Hého ! Crasseuse binocle époustouflée dans la bile épaisse de ton cerveau éclaté de moisi ! Hého ! (Boum boum boum) Héyaaa! Vieille peau de truie confite! (Les coups s’arrêtent) Pestiferraile rouillée mouillée de marron de fond de culotte souillée aux marrons grillés ! Débouche tes vieux pots de cire et ferme ta bouche sans dents ! Décrasse ta gueule sans nom et cesse un peu de casser tes vieux os secs et sans diplômes sur notre belle porte au QI plus élevé que le tien, huître tétraplégique ! Ô, crotte de la puce du pou ! Graisse de la couenne du gras de la saucisse circoncise du porc liposucé !
Silence
RAPHAEL
Ça a marché !
MATHILDE
Tu l’as tuée, je crois.
FOUETTARD
Vieux cul ! Écoute bien, microbite molle qui perle encore du lait de ta facochère de mère, cette compagne infidèle des béliers pornographiques mais néanmoins castrés ! Retourne dans l’Enfer des rockeurs lubrifiés de gomina contraceptive duquel t’as été expulsé par le plus moisi des hasards, et va faire couler dans ta petite gorge impuissante tes adorables pots de bébé qu’on différencie peu à l’entrée de la sortie ! Autrement dit, je ne partirai pas d’ici tant que VOUS ne serez pas partis, au poste !
MATHILDE, RAPHAËL, JULIEN
Hahaha !
(Boum boum boum)
RAPHAEL
Fais-la rentrer.
MATHILDE
What ?
RAPHAEL
Fais la rentrer, ça va être marrant. Elle est marrante.
MATHILDE
Tu veux que ça (désignant la porte) vienne là ?
JULIEN
J’avoue ! La lionne dans l’arène !
MATHILDE
Ma foi, soyons cons ! … Vous êtes sûrs ?
RAPHAËL et JULIEN
Yes !
MATHILDE
Chère voisine ? (Boum boum boum) Ohé! Vieille furie! (Boum boum boum)
RAPHAEL, d’une voix angélique
Exquise demoiselle ? (Les coups s’arrêtent) Douce petite fleur printanière ?
FOUETTARD, d’un ton bourru
Quoi ?
RAPHAEL
Nous ferez-vous le délice de bien vouloir partager avec nous l’honneur de goûter votre délectable présence, le temps que les flics arrivent ? (à MATHILDE) Ouvre.
MATHILDE déverrouille la porte. On entend la poignée s’abaisser lentement. Enfin la porte s’ouvre et on voit madame FOUETTARD, sur le palier, sourcils froncés.
RAPHAEL
Vous prendrez bien un verre de réconciliation.
FOUETTARD
On est pas réconciliés.
RAPHAEL
C’est pour ça qu’il faut prendre un verre de réconciliation.
FOUETTARD
La police est en route.
RAPHAEL
Fantastique !
FOUETTARD
Ils arrivent.
RAPHAEL
Merveilleux ! Un petit verre en attendant ?
FOUETTARD
Va pour un verre !
MATHILDE
Haha ! Merveilleux ! Entrez, entrez ! Puis-je vous présenter mes deux complices : Messieurs R. et J. ?
RAPHAEL / JULIEN (en même temps)
Honoré. / Très aimable.
FOUETTARD
On entend votre musique dans tout l’immeuble !
RAPHAEL
Vous n’aimez pas la musique ?
FOUETTARD
Si, mais pas la vôtre !
RAPHAEL
Ah vous la connaissez ?
FOUETTARD
Non, mais y’en a qui travaille demain !
RAPHAEL
Vous travaillez, vous ?
FOUETTARD
Nan, mais il y a un bébé au troisième.
JULIEN, riant
Le bébé travaille ?
FOUETTARD
Non, mais ses parents oui.
RAPHAEL
Et vous ?
FOUETTARD
Oh ça vous amuse, tout vous amuse, vous ! Pas d’enfants, aucune responsabilité, aucun souci ! Vous ne travaillez pas, je suppose ?
RAPHAEL
Et vous ?
FOUETTARD
Vous êtes étudiants ?
MATHILDE, RAPHËL, JULIEN en même temps
Ça dépend / Un petit peu / Aucune idée. Ils s’interrogent mutuellement, un peu confus.
JULIEN tend un verre à FOUETTARD
FOUETTARD
Qu’est-ce que c’est ?
JULIEN
Buvez, et dites-moi.
FOUETTARD boit
Beuarhgr ! C’est horrible !
JULIEN
Je vous en prie.
FOUETTARD
Nan j’ai dit : c’est horrible ! Écoutez, mes petits mignons : vous mettez la musique trop fort, vous faîtes trop de bazar et vous buvez des boissons… illégales !
JULIEN
Trop aimable !
FOUETTARD
Quand la Police sera là vous allez passer un mauvais moment, ça va être bien ! A votre âge normalement, à cette heure-ci, c’est au lit !
MATHILDE, mystérieuse
Vous avez raison, c’est ça qu’on devrait faire… au lit... Julien, coupe la musique. Range les bouteilles. Raphaël, fais encore un peu d’infusion s’il te plaît, on va boire chacun une tasse et puis dodo !
RAPHAEL, regardant la théière d’infusion à l’opium
Euuuuh, on va boire une tasse… de … ça ?
MATHILDE
Oui-oui. Je suis sûr que madame, madame… ?
FOUETTARD
Madame Fouettard.
MATHILDE
Évidemment. Je suis sûr que madame Fouettard en boira une tasse avec nous. Regardez comme ils sont sages.
FOUETTARD
Bon, et vous allez vous coucher après ?
MATHILDE
On va se coucher.
FOUETTARD
Ça ne changera rien, la Police arrive.
MATHILDE
Magnifique, on va se coucher.
FOUETTARD
Dans ce cas, je bois une tasse moi aussi, et puis, moi aussi je vais me coucher, parce que bon, je travaille peut-être pas, j’ai peut-être pas d’enfants, mais demain, je me lève, moi !
MATHILDE, souriant
Ça m’étonnerait. Raphaël ?
RAPHAEL, timide
Oui ?
MATHILDE
C’est prêt ?
RAPHAEL, même jeu
Hmm.
MATHILDE
C’est prêt ??
RAPHAEL
Oui-oui, voilà !
JULIEN
J’étais pas préparé mais bon, s’il faut aller se coucher (en regardant la tisane à l’opium, il souffle athlétiquement)
FOUETTARD, prend une tasse
Merci. C’est quoi ?
MATHILDE
Hmmmmm, ça va être bon ! Et après... HOP (tout le monde rit, même Fouettard) au dodo !
FOUETTARD, riant
Vous êtes bizarres !
MATHILDE
On est désolé de vous avoir dérangée.
FOUETTARD
Bon, et après : silence !
Elle prend la tasse
RAPHAEL
Moteuuuuur !
Elle regarde la tasse
JULIEN
Action !
Elle boit la tasse. Tout le monde se regarde en silence.
FOUETTARD
Elle est bonne votre infusion.
Silence
Ressers-moi une tasse.
Une minute d'échanges de regards plus tard, d’une voix plus faible
Elle est bonne votre infusion.
Silence
Ressers-moi une tasse.
RAPHAEL
Aaah, la mémoire !
JULIEN
C’est vrai qu’elle est un peu forte, la tisane.
RAPHAEL, le doigt en l’air
Je l’ai faîte un peu forte.
FOUETTARD, yeux vitreux
Infuse-moi votre bonne elle est bien encore ? Encore une aile, tasse-moi bien !
MATHILDE, montrant FOUETTARD
Et voilà, messieurs : tout à fait inoffensive.
Mettant un doigt dans le nez de FOUETTARD
Cette personne ne peut plus nuire à personne.
JULIEN
Mais c’est encore pire, les flics arrivent ! On est dans la -
MATHILDE
Au contraire, frère, au contraire ! C’est eux qui vont nous sauver d’elle, comme elle va nous débarrasser d’eux ! Mais avant que je vous explique… refais des cocktails, j'ai trempé mes lèvres, c’est fort, je commence à sentir l’opium, il faut qu’on se réveille.
Julien prépare trois verres
JULIEN, MATHILDE, RAPHAËL
Santé !
FOUETTARD, s’endormant dans le canapé
La santé s’étend… C’est entêtant… Si t’es sans, tu t’entends danser… Danser sans téter ta santé…
Scène Finale
RAPHAEL, à MATHILDE
Alors, explique pour les flics.
JULIEN, à la fenêtre
Pas besoin, on va les avoir en live. Ils sont en bas.
MATHILDE, attrapant une chemise qui traîne
Raphaël, mets ça !
Raphaël regarde la nuisette d’un air noir
JULIEN, toujours à la fenêtre
Ils sortent de la voiture.
MATHILDE
Allez ! Voilà. Elle te va très bien. Et maintenant… Raphaël, au lit ! Fous-toi dans le lit. Allez allez ! Et Julien : donne-moi tes bracelets, tes lunettes et ta veste.
JULIEN
Ils sont rentrés dans l’immeuble. (JULIEN donne ses affaires à MATHILDE, que MATHILDE met sur la vieille qui baragouine) Olala, je les entends monter maintenant.
FOUETTARD porte donc maintenant des lunettes de soleil noires, des bracelets en métal et une veste en cuir. Elle chantonne un air de jazz.
MATHILDE
Julien, prépare des haricots !
JULIEN
Comment ?
MATHILDE
Mets des haricots dans la poêle.
JULIEN
Je ne crois pas que les haricots soient une solution.
MATHILDE
Fais fais fais. Allez ! Mets ce bonnet de nuit. Sourie. (A Raphaël) Toi, dors ! Et moi…
Elle met D.960 de Schubert (partie 4.Allegro non troppo), boutonne sa chemise jusqu’en haut et la rentre dans son pantalon, lève son sourcil avec son doigt, mets des lunettes rondes, prends un livre, et met un couteau dans la main de FOUETTARD qui chantonne et se trémousse sur la musique. MATHILDE revient au milieu, devant la porte, prend une grande inspiration et
DING DONG !
FOUETTARD se lève machinalement, la lumière change, et un décor féerique bourgeois apparaît
POLICIERS
Police Nationale ! Ouvrez la porte s’il vous plaît !
MATHILDE ouvrant la porte, et d’une voix transformée :
Bonsoir messieurs, nous vous attendions.
POLICIER
Bonsoir ma…dame... On a reçu une plainte.
FOUETTARD, debout, le couteau à la main
Bonsoir mes capitaines !
MATHILDE
A quel sujet, la plainte ?
POLICIER
Tapage nocturne. Alors qu’est-ce qui se passe ici ?
Le policier regarde FOUETTARD
Y’a un problème ?
L’autre flic salue JULIEN qui cuisine ses haricots
JULIEN, souriant
Bonsoir. Je prépare des haricots. (Regard noir de MATHILDE)
POLICIER, montrant FOUETTARD qui ronfle debout
Et votre amie ?
MATHILDE
Eh bien justement, à propos de notre amie. Nous étions en train de lire un livre, en tournant les pages comme ceci l’une après l’autre bien entendu, autant que faire se peut, tandis que mon ami ici présent préparait de somptueux haricots…
POLICIER, montrant Raphaël qui fait semblant de dormir dans le lit
Et lui ? Il dort ?
MATHILDE
Lui ?
L'AUTRE POLICIER
Il dort.
MATHILDE
C'est ça.
POLICIER
Pourquoi il sourit ?
MATHILDE
Parce qu’il est heureux.
POLICIER, regardant FOUETTARD qui dort toujours debout
Et celle-là ? Madame ? Hého !
MATHILDE
Alors oui, parlons-en de madame. Nous étions en train d’écouter cette divine musique…
POLICIER
Je croyais que vous lisiez.
MATHILDE
…Tout en lisant, quand on a frappé à la porte… (Confidence chuchotée terrifiée) C’était elle, monsieur le commissaire !
POLICIER
Je ne suis pas commissaire.
MATHILDE
Félicitations. Et cette personne que vous voyez là (dans un état déplorable) a tambouriné à la porte comme une folle !
Silence
Puis MATHILDE, criant dans la direction de FOUETTARD
Une sauvâââge, monsieur le commissaire !
FOUETTARD, se réveillant
Des sauvages, voilà ce que c’est ! De la musique de sauvages ! De l’alcool de sauvages !
POLICIER
Madame, calmez-vous s’il vous plaît !
FOUETTARD
Nan, nan ! Des fous ! On veut défier l’autorité ! Pas de travail ! On veut écraser la POLICE !
POLICIER, à FOUETTARD
Vous habitez ici ?
Raphaël éclate de rire dans le lit
POLICIER, à FOUETTARD
Vos papiers, s’il vous plaît.
DEUXIÈME POLICIER, à RAPHAËL qui ricane dans le lit
Vous aussi, vos papiers !
MATHILDE, au DEUXIÈME POLICIER
Vous voyez bien qu’il dort.
FOUETTARD, gesticulant
Mes papiers ? Vous êtes de la Police, peut-être ?
POLICIER
Madame, restez tranquille !
MATHILDE
Vous voyez ?
DEUXIÈME POLICIER, à MATHILDE
Taisez-vous, vous ! Et vous, dans le lit, sortez du lit !
POLICIER, à Fouettard
Vos papiers !
FOUETTARD
Ah, mes papiers, ils sont dans la commode.
FOUETTARD se met à quatre pattes, va aux toilettes et plonge la tête dans la cuvette en continuant à parler
POLICIER
Madame, vous allez devoir nous suivre au poste de Police.
FOUETTARD
Au poste de Police, exactement ! Vauriens, petits cons !
MATHILDE
Ah, la vieillesse ! Où est passé la vieillesse de ma jeunesse ?
POLICIER, à MATHILDE
Taisez-vous, s’il vous plaît. Ça suffit de faire la maline ! Ou vous nous suivez aussi ! (Puis, à FOUETTARD) Madame, vous allez nous suivre.
Ils embarquent FOUETTARD. FOUETTARD hurle des insultes à MATHILDE
MATHILDE, très calmement, comme pour elle-même
Vive la France.
Les flics sortent
JULIEN
Les haricots sont prêts.
MATHILDE, montrant le livre qu’elle a en main, et rajustant ses lunettes
Je crois que je vais lire encore un peu.
JULIEN
Moi je vais bouffer les haricots, ils ont l’air délicieux. Et Raphaël ?
MATHILDE
Il s’est endormi.
La lumière tombe, la musique D.960 continue et la cuisine prend feu pendant le salut des comédien.ne.s
![[illustration]](/data/img/images/2025-10-15-troll-big.jpg)
Mme FOUETTARD : Voisine d’ANNA
JULIEN : Ami de MATHILDE
RAPHAËL: Ami de JULIEN (ami de MATHILDE)
MATHILDE : Amie de RAPHAËL ami de JULIEN ami de MATHILDE amie de RAPHAËL
POLICIER
AUTRE POLICIER
PUBLIC
JULIEN : Alcoophile
RAPHAËL: Sexophile
MATHILDE : Pyromane
DEUX POLICIERS : Anti-pyromanes
ANNA : Propriétaire voisine de Mme FOUETTARD (qui est inquiète à propos du raffut causé par un alcoophile, un sexophile et une pyromane, mais heureusement deux anti-pyromanes vont venir les sauver et devenir symboliquement les sauveurs de la Nation)
Mme FOUETTARD: déjà dit, je vous demanderais d’être attentif
DEUX POLICIERS : Sauveurs de la Nation (ou autre, selon la progression de la pièce)
JULIEN : Anagramme de Neujil
NEUJIL : cactus microscopique qu’on ne trouve nulle part
= ajouter un commentaire =
Les commentaires sont réservés aux utilisateurs connectés.
= commentaires =
J'avais pas une grande opinion du théâtre et avec ce texte, ça ne s'est pas arrangé. Du verbiage à rallonge sans intérêt et inutile. Si au moins, ça singeait la vacuité de la vraie vie mais non, c'est bien plus creux et inutile que les dialogues dans un congrès des gens les moins inspirés du monde. Une belle perte de temps. Je comprends pas où veut en venir l'auteur avec toutes les qualités littéraires qu'il a comme il a pu le démontrer lors de l'appel à textes sur Hunter S. Thompson. C'est forcément de l'autosabotage mais j'en vois vraiment pas le but.
Pour la deuxième fois cette semaine, je me vois obligée de contredire Lapinchien, j'espère que ça ne va pas devenir une habitude.
Ce texte théâtral est génial. J'insiste sur l'adjectif théâtral. Si tu n'en as pas vu l'intérêt, Lapinchien, c'est parce que tu l'as LU. Il ne faut pas le lire, il te faut, autant que faire ce peu, imaginer la scène jouée devant toi, et je t'assure que ça te fera un tout autre effet.
Je n'en dis pas plus pour l'instant parce que l'horloge du four sonne et que je ne voudrais pas, à la fin, brûler la moussaka.
"Autant que faire SE PEUT", bien entendu...
Aïe aïe aïe, dans mon enthousiasme à saluer ce texte, me voilà oubliant l'orthographe!!!
Mais c'est très bien qu'on n'ait pas les mêmes opinions. La Zone, c'est pas l'ONU, et on ne doit pas signer un accord à la fin.
Avec l'avènement du stand up et ces 40 vannes à la minutes, je trouve le théatre has-been au possible, conçu pour faire rire le bourgeois et en plus comme c'est le cas ici, on joue la montre, en diluant une "blague" dans 50 litres de bégaiements, non-dits, trop-dits, répétitions. Tout ça pour pondre une intrigue qui tient en 2 phrases.
"une intrigue qui tient en 2 phrases."
Mais bien entendu, Lapinchien, qu'il n'y a pas d'intrigue. C'est tout l'intérêt du théâtre de l'absurde que de renverser la table de 3 000 ans de dramaturgie classique.
Ce n’est pas parce qu’on balance des mots sur la feuille que ça fait un texte.
Ici, on aligne des phrases comme on jette des cailloux dans un puits, en espérant entendre un écho. En vain. Le résultat ressemble davantage à un exercice d’improvisation qui aurait oublié de se terminer qu’à une pièce construite.
Il n’y a ni histoire, ni enjeu, ni véritable mouvement. Les personnages parlent, beaucoup, pour ne rien dire, et le spectateur, lui, attend désespérément qu’il se passe quelque chose. C’est du bavardage théâtral déguisé en absurdité signifiante.
C’est un peu comme en peinture : des coloriages ne font pas une œuvre d’art. Il faut une intention, une tension, un geste. Ici, tout semble plaqué — des mots pour faire style, des ruptures pour faire moderne, des silences pour faire profond.
Mais le fond ne suit pas.
Je veux bien du théâtre de l’absurde, mais encore faut-il qu’il y ait un vertige derrière le vide. Là, il n’y a que du bruit.