LA ZONE -

Scatovision

Le 18/12/2025
par Caz
[illustration]
Il fallait bien que ça sorte un jour.
J’ai toujours su que j’étais différente. Pas dans le sens de “petite étoile fragile qui brille”. Non. Plutôt dans le sens de “conduite d’égout bouchée qui menace d’exploser”.
Je suis née avec un anus médiatique.
Pas un trou du cul standard. Non.
Un trou du cul-écran.
Un cul caméra.
Un cul programme télé.

À 13 ans, en camp de vacances, j’ai fait caca pour la première fois sur un sol en marbre, et l’étron s’est mis à émettre une émission de téléréalité en direct.
Titre : “Fosse Septique Intime”.
Les autres enfants se sont prosternés.
L’un d’eux a eu une érection mystique.

Depuis, chaque fois que je défèque, un contenu se crée.
Je chie des talk-shows, des débats politiques, des séries à suspens avec twist final dans le rectum.
À un moment, j’ai produit une mini-saison d’un biopic sur moi-même, mais vu depuis l’intérieur de mon côlon.
Critique : “Bouillonnant. Visqueux. Nécessaire.”

Je suis devenue influenceuse anale.
Mon trou du cul a un compte TikTok. Il poste trois fois par jour. Il a un community manager.
Chaque post est précédé d’un spasme intestinal.
Chaque commentaire est un pet.
On me paye pour faire caca.
Parfois pour ne pas le faire.

Mais dernièrement, il y a eu un bug.
J’ai expulsé une saison entière de Koh-Lanta, mais version fécale.
Les candidats nageaient dans du caca tiède.
Ils construisaient des radeaux avec des côtes de porc et des tampons usagés.
Un épisode spécial consistait à “faire feu sans allumettes, juste avec du gaz intestinal et un chewing-gum mâché”.
Le public a adoré.
Moi, j’ai saigné du rectum pendant huit heures.

J’ai compris qu’il fallait arrêter.
Alors j’ai tenté la constipation.
J’ai mangé du riz blanc, des bouchons en liège, du ciment.
Mais la télé en moi s’est vengée.
Elle a commencé à sortir ailleurs :
- Par mes pores.
- Par mes larmes.
- Par mes rêves.
Un jour, j’ai rêvé que je chiais une encyclopédie de la télévision française depuis 1954.
Je me suis réveillée dans une mare de VHS et de merde.

Aujourd’hui, je suis en silence médiatique.
Je jeûne.
Je serre les fesses.
Mais parfois, je sens remonter l’envie.
Un générique. Une voix off.
Un jingle qui me chatouille le rectum.
Et je sais :
Il va falloir diffuser.

= commentaires =

Lapinchien

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Pute : 157
à mort
    le 17/12/2025 à 18:36:11
C'est un constat triste mais véridique que Caz fait sur la télévision et ses programmes de tous temps, elle qui ne fait probablement pas partie des enfants de la télé et qui observe tout ça avec le recul et l’œil neuf des nouvelles générations. C'est probablement un constat assez réaliste et véridique. Tous les zonards demandant fréquemment à Caz d'être plus concise vont être ravis, perso je préfère quand elle en fait beaucoup et qu'elle dépasse les bornes à la fin.
Nino St Félix

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Pute : 43
    le 17/12/2025 à 19:55:24
C'est très Cacaz
Nino St Félix

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Pute : 43
    le 17/12/2025 à 20:27:51
c'est fendar je commente tous les textes depuis 3 semaines, zéro pute (enfin ça je comprend), puis la, le seul commentaire à la con, -1 pute. Mais le plus fou c'est que je sais pas si c'est bon on pas.
Bref sinon c'est un chouette texte, pour une fois le style télégraphique ne m'a pas causé de crise d'épilepsie, c'est à signaler, pourquoi, aucune idée. Sans doute que, d'une manière, ça collait au sujet.
Et puis pour le coup l'intention est très (trop ?) claire.
Mais après le texte d'hier, enchainer la pédomanie cryptique par la scatographie ludique, je prend.
Lindsay S

Pute : 148
    le 17/12/2025 à 20:28:58
Je reconnais immédiatement la virtuosité formelle : la métaphore est tenue, le rythme est efficace, le texte sait exactement où il va. Tellement, d’ailleurs, qu’il ne ressent jamais le besoin de s’arrêter pour éprouver quoi que ce soit.

Face à ce narrateur, je ne rencontre pas un corps, mais un concept très bien huilé. Il fonctionne, il produit, il saigne même, à l’occasion — sans que je perçoive la moindre douleur, la moindre honte, la moindre fatigue. La souffrance est déclarée, jamais vécue. Je lis “j’ai saigné pendant huit heures” comme je lirais un rapport d’incident.

La critique des programmes est bien présente, mais je la trouve abstraite, presque hygiénique. Le corps est exploité, certes, mais jamais habité. Je n’observe pas un être, j’analyse un dispositif. Il m’est impossible de m’attacher, tout aussi impossible de plaindre : le texte ne m’y invite pas.

J’ai le sentiment d’une écriture très sûre d’elle, qui privilégie l’efficacité du concept à la fragilité de l’émotion. Tout est maîtrisé, contrôlé, ironique — au point que même l’intime devient un effet. Je termine la lecture impressionné, mais intact. Comme après un programme très bien produit dont j’ai déjà oublié le visage des participants.
Caz

Pute : 31
    le 17/12/2025 à 20:40:21
@Nino c’est moi qui t’ai enlevé un point pute ! Et j’en suis navrée j’ai voulu cliquer sur le pouce vers le haut mais sur le téléphone c’est pas assez précis… En tout cas je n’ai pas du tout mal pris ton commentaire, au contraire. Je vais essayer de pas trop m’excuser mais quand même je suis désolée d’avoir misclick… Et merci pour ton avis ! Je serais curieuse de savoir ce que tu entends par « trop claire ».

@Lindsay merci aussi pour ton avis :) effectivement je comprends ta distance. Faut dire que ce texte est assez différent de mes textes précédents (je trouve) et du coup j’y ai pas du tout mis la même émotion (voire très très peu d’émotion…) donc ton commentaire fait tout à fait sens pour moi.
Caz

Pute : 31
    le 17/12/2025 à 20:42:07
(@Nino là j’ai changé de support, je suis sur tablette là et j’ai réussi à te mettre un point pute, je suis à moitié pardonnée ?)
Lindsay S

Pute : 148
    le 17/12/2025 à 20:59:49
Je lui en mets un aussi pour la forme
Caz

Pute : 31
    le 17/12/2025 à 21:01:24
Merci @Lindsay !
Caz

Pute : 31
    le 17/12/2025 à 21:01:54
Oh @Nino j’ai même réussi à t’en mettre un deuxième, va savoir comment…

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