LA ZONE -

ÉCOLE PRIMAIRE DE LA VIANDE DOCILE (Ou comment l’éducation nationale prépare à être digéré)

Le 27/12/2025
par Caz
[illustration]
La rentrée sent le putréfié, la bile, le sang chaud qui coagule dans les veines ouvertes.
Les couloirs suintent, dégoulinent, suintent la chair morte, les os brisés, les tendons déchiquetés.

On n’est pas dans une école.
On est dans un abattoir à gosses.
Un bordel sauvage, cru, sans pitié.

Madame Tranchée, c’est pas une prof.
C’est une bête vorace, un prédateur dans un tablier tressé de tripes encore chaudes, palpitantes, bourrées de puanteur.
Son sourire ? Une gueule fendue, sans lèvres, pleine de crocs qui tressaillent, assoiffés.

Elle hurle sa sentence :
« À la fin, vous serez tranchés. Dépecés. Servis sur un plateau. »
Le premier cours, c’est la chasse intérieure.
Apprendre à sentir ses chairs se tendre, à repérer les zones tendres — cuisses ouvertes, gorge dénudée, foie battant dans la cage thoracique, bas du dos qu’on veut protéger.

On se découpe du regard, on se dissèque à vif, en sachant qu’on est déjà en morceaux.
Puis vient l’art du saignement silencieux.
Il faut apprendre à pisser du sang sans hurler, à cacher la douleur qui crève la peau et fait couler les entrailles.

Dictée d’odeurs :
« Coche la putréfaction qui brûle la gorge. Le fer qui ronge. La chair qui flambe. »
À la cantine, on est pas des enfants.
On est la viande, la pâtée, le casse-croûte.
Chaque jour, un d’entre nous est plongé dans la marinade.
Jeudi, c’était moi.
Six putain d’heures dans le vinaigre qui bouffe la peau, ronge la viande, creuse la chair.
Une douleur qui lacère, déchire de l’intérieur.
Puis les autres sont venus.
Dents acérées, crocs tranchants, ils ont grignoté mes mollets, déchiqueté la viande tendre.

Moi, j’encaissais, récitant l’alphabet, le sang dégoulinant entre mes doigts.
Note : 16/20. Trop saignant, mais docile.
Les oraux ? Sous la guillotine du hachoir.
Parle. Saigne. Perds tes morceaux. Tiens bon.
Les meilleurs gagnent une trousse faite de vraie peau — humide, froide, palpitante encore.

Les autres ? Direct au fumoir.
Un supplice long, un suicide lent.
On ne revoit jamais les plus faibles.

Moi, j’ai eu mon diplôme.
Mention « Appétissant et sans faute ».

Mes parents ? Ils ont chialé de fierté.
Ils m’ont offert une planche à découper. Gravée à mon nom.
Tachée de sang séché et d’horreur.

Aujourd’hui, c’est moi qui prépare les gamins.
Je leur dis chaque matin :
« Vous êtes beaux.
Vous sentez le sang qui palpite.
Vous êtes nés pour être dévorés. »

Je les découpe.
Je les déchire.
Je les sers.
Sur un plateau froid d’agonie et de violence.

= commentaires =

Lapinchien

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Pute : 174
à mort
    le 26/12/2025 à 13:36:20
Super beau et universel, tellement vrai. Une vision de l'éducation nationale que je n'avais pas étant gosse. éternel premier de la classe du CP à la terminale, sans en branler une, toute l'horreur de l'école abattoir ne m'a sauté à la carotide qu'à partir de la Math Sup où je me suis fais latter les couilles par le formatage/gavage au chausse-pied et la compétition, éclaté par des gosses plus brillants que moi et qui faisaient des efforts. Avant je vivais dans un quotidien sur lequel je ne me posais pas trop de questions. Je ne révisais même pas mes cours. Tout était simple. J'écrasais les autres et on me récompensait pour ça. J'avais une vision "Parker Lewis ne perd jamais" et "Sauvés par le gong" de l'école alors que c'était simple, j'étudiais dans une ZEP et la plupart des gosses étaient à la ramasse assommés par les problèmes qu'ils avaient à la maison. La réalité est bien plus proche de cet excellent texte de Caz qui à mon grand dam semble avoir écouté les conseils des autres zonards et a abandonné son idée géniale pourtant de faire des textes longs et d'aller toujours plus loin alors qu'elle a déjà dépassé les limites. Excellent texte néanmoins mais bien trop sage et discipliné. J'espère que Caz dans ses prochains textes reviendra à ce qui faisait sa singularité.
A.P

Pute : 63
J'aime    le 26/12/2025 à 13:42:41
Ça me donne faim.

Comme souvent avec Caz, j'adore.
J'ai perdu mon objectivité depuis un moment à la lecture de tes textes.
Du coup merci du cadeau !

Au passage, on est combien de profs ou anciens profs dans les commentaires en ce moment ?
Nino St Félix

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Pute : 56
    le 26/12/2025 à 14:02:41
Harry Potter en CAP boucherie ?
Ca claque comme toujours malgré quelques répétitions.
Mais comme Lapinchien j'aimerais voir plus, plus gras, plus charnu justement. Avec les mêmes qualités, mais plus loin dans l'histoire ou l'horreur ou les deux. Les textes qui fouettent, c'est super, mais y'a aussi un risque que ça lasse, surtout s'ils se suivent (heureusement pour le moment y'a comme une alternance). Bref pour ma part pas prof mais longtemps en poste à l'éducation nationale, j'émets quand même un petit bémol (c'est une vision de la chose, il y a aussi plein d'endroits ou ca se passe bien, les enfants sont heureux et les profs épanouis, si, si, j'en connais même certains). Mais pour ma part, évidemment, un écho, puisque j'ai été totalement broyé par l'institution (enfin surtout par quelques profs cons comme la lune, et un paquet d'élèves au diapason).
Lapinchien

lien tw yt
Pute : 174
à mort
    le 26/12/2025 à 14:26:15
Peut être qu'avec la déferlante IA ce sera le moment d'enseigner aux gamins à coopérer entre eux plutôt que de faire des concours de bite ad nauseam ?
Lindsay S

Pute : 163
    le 26/12/2025 à 14:36:47
C’est puissant.
C’est très puissant.
C’est encore puissant.
C’est toujours puissant.

Ça frappe.
Ça cogne.
Ça percute.
Ça percute encore, jusqu’à ce que l’impact devienne une habitude.

La métaphore est claire.
L’image est forte.
L’intention est nette.
La violence est assumée, répétée, répétée encore, comme si la peur de ne pas être comprise obligeait à recommencer.

On comprend vite.
On comprend très vite.
On comprend dès les premières lignes.
Et pourtant, le texte continue d’expliquer ce qu’il a déjà montré.

C’est bien écrit.
C’est maîtrisé.
C’est efficace.
C’est tellement efficace que ça s’auto-neutralise à force de fonctionner.

Chaque phrase est une montée.
Chaque phrase est un sommet.
Chaque phrase est un cri.
Mais sans creux, sans silence, sans chute intermédiaire, le cri devient continu — et le continu devient bruit.

La métaphore tient.
Elle tient trop.
Elle ne lâche jamais.
Elle ne respire pas.

Ce n’est pas gratuit.
Ce n’est pas vain.
Ce n’est pas maladroit.
C’est simplement plein. Trop plein.

On sort impressionné.
On sort marqué.
On sort conscient du propos.
Mais pas laissé seul une seconde avec lui.

Ce n’est pas un problème de place.
Ce n’est pas trop long.
Ce n’est pas trop court.
Ce n’est pas une question d’espace occupé.

C’est un problème de volume.
Pas la durée.
Pas la quantité.
La hauteur.

Tout est fort.
Tout est au maximum.
Tout est saturé en continu.

Il n’y a pas de baisse.
Pas de creux.
Pas de silence pour que l’impact fasse son travail.

Ce n’est donc pas un texte qui prend trop de place.
C’est un texte qui parle trop fort, trop longtemps, sans jamais changer de niveau.

Et à force de rester au sommet,
le sommet devient plat.

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