LA ZONE -

La boucle

Le 24/11/2007
par Winteria
[illustration] Des innombrables formes figées dans la puanteur des quais, tous priaient pour que leur regard conservât cette rigueur qu'il fallait feindre de toutes ses forces. Paraître stoïque, conserver ses distances, fixer l'horloge au-dessus de soi, mais, de sa pensée, creuser des sillons dans la peau de l'autre pour y découvrir mille fautes inavouables, mille raisons de l'ignorer ainsi : tels étaient les commandements que chacun s'infligeait. L'heure n'était déjà plus à son prochain, si tôt dans la matinée.
L'un étouffa un baîllement, et sentit trois, peut-être quatre regards peser sur ses épaules ; il en eut un frisson. Il se redressa, tira doucement sur la pan de sa veste, changea sa sacoche de main, mais rien n'y fit : les regards étaient toujours là. Il y eut une effroyable brise, suivie d'un long crissement, à l'autre bout de la station. À cet instant, il ne sut si c'étaient ses propres muscles qui se bandaient, ou ceux de la foule : à s'espérer seul, il ne ressentait plus que les autres. Il prit peur, ferma les yeux, et ne fit plus un geste. Il n'y eut pas un contact, pas un frôlement : juste ce sentiment que le monde tourne sans vous, puis le claquement des portes coulissantes. En rouvrant les yeux, il vit cent fois son visage dans la rame ; puis le convoi de passagers s'ébranla, repartit. Il resta là, immobile et seul sur le quai, sourd à force de silence, comptant les secondes, et lorsqu'enfin la rame suivante arriva, avec son exactitude horaire presqu'infernale, les mêmes personnes en descendirent. Il partit en courant.

Il était ballotté sans cesse entre le sentiment de n'être personne et d'être tous à la fois, il lui semblait ne pas avoir parlé depuis longtemps. Il voulut s'ordonner d'aller au travail, mais renonça, de peur de ne pas reconnaître sa propre voix. Il prit un taxi, et durant tout le voyage, s'oublia dans une tache sur son pantalon ; la tache partie, il se sentit beaucoup mieux.

Son bureau était une case minuscule : à gauche de l'entrée, un bureau et une chaise ; à droite, une étagère encombrée de dossiers dont il ne se souvenait pas ; en face, une plante verte occupait tout l'espace. Il s'assit, tira un miroir de sa poche, s'examina longuement et, se trouvant beau, se laissa envahir par la plénitude. Il aimait ces quatre murs juste assez hauts, il aimait son costume gris désormais impeccable. Il sourit, et alors qu'il souriait, le téléphone sonna ; il décrocha d'un geste ample, et dit :
- Je vous écoute.

= commentaires =

Dourak Smerdiakov

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Pute : 0
ma non troppo
    le 24/11/2007 à 22:26:13
Oui, oui, certes, mais tu aimes les pâtes au fromage ?
Dourak Smerdiakov

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Pute : 0
ma non troppo
    le 24/11/2007 à 22:41:42
L'ambiance désespérante y est, c'est réussi, mais forcément, du coup, on se demande : à quoi bon ?

Bon, puisque c'est un exercie de style... J'hésite à être catégorique, mais je doute d'emblée de la première phrase, la construction : "Des..., tous...". S'infliger un commandement, ça me laisse perplexe, je n'emploierais pas ce verbe-là. Et je ne sais pas si tu te rends compte ou pas de ce à quoi l'on pense quand on lit : "s'oublia dans une tache sur son pantalon", mais ça change l'ambiance tout de suite. Peut-être la répétition du verbe "être" dans "le sentiment de n'être personne et d'être tous à la fois".

Commentaire édité par Dourak Smerdiakov.
la_marquise_de_sade
    le 25/11/2007 à 17:38:57
la tache sur le pantalon était sans doute une tache de sang, puisqu'avant d'aller se poster sur le quai, il avait égorgé sa femme et ses enfants, ainsi qu'un contrôleur qui le regardait bizarrement parce qu'il essayait de passer sans billet.

je ne vois pas d'autres possibilités pour justifier ce texte.

le_duc
    le 25/11/2007 à 18:28:39
Tous les textes sont injustifiables.
    le 25/11/2007 à 19:34:31
Ma bière étant très jalouse, je me contente d'avoir l'intention de copier-coller le résumé du texte, car c'est l'intention qui compte ; et je cours la retrouver.
Ange Verhell

Pute : 0
    le 25/11/2007 à 19:51:59
j'aime le concept de l'enfer dans la précision, plus on va vers le fond, plus c'est précis. L'enfer du plus que précis est sûrement du côté de la Suisse. Un monde imparfait, quoi.
B52

Pute : 0
    le 26/11/2007 à 22:44:15
La grève actuelle inspire un artiste qui sait asseoir la scène.
Traffic

Pute : 1
    le 27/11/2007 à 13:22:39
Je verrais bien la suite comprimée à l'intérieur du personnage. Ca sent la densité et le bouillonnement.

    le 27/11/2007 à 13:24:26
C'est vrai que ça ferait un excellent début de nouvelle, preuve en est (chez moi du moins) la déception à la fin. Il manque un bout. En gros, les 95% du texte. Le temps qu'une ambiance s'installe et hop c'est fini, au revoir.

Putain de frustrateur.
Hag

Pute : 2
    le 28/11/2007 à 16:59:57
Je suis d'accord avec des gens, c'est partit comme un excellent truc d'ambiance psychologique et tout, et on nous plante connement dès que ça devient intéressant.
C'est pas très gentil.
Dead Soul Fx

Pute : 0
    le 30/11/2007 à 18:35:31
Un plantage, mais quel plantage. Juste au beau milieu d'un texte qui s'annoncait superbe. N'ayons pas peur des mots, ce "Truc" semblait vivant, un soupçon de psychologie juste avant que tout ne bascule, et pourtant... Rien... Le néant ! Néant qui doit envahir tout l'espace situé entre tes deux oreilles il me semble... Je ne qualifierait point cela de bouse, ni de merde,mais juste de début. De texte non accoucher !

Voila, c'est tout ! Sur ce je vais m'ouvrir une bière !
Mill

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Pute : 1
    le 28/12/2007 à 14:11:16
C'est loin d'être mauvais mais il faudrait une suite et une fin. Là, j'ai comme un arrière-goût de paranthèses.

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