LA ZONE -

Libérez les artistes : supprimez leurs subventions.

Le 21/11/2014
par Mill
[illustration] Chers artistes, danseurs, chanteurs, poètes et musiciens, peintres du dimanche dont les toiles insipides et, pour beaucoup insensées, m'irritent la rétine lorsque d'aventure j'accepte, par faiblesse ou par souci des convenances, d'assister, les couilles en berne et la mort dans l'âme, à vos vernissages plus mondains qu'inspirés ; chers photographes prétendûment licencieux, observateurs et insurgés, dont les images glabres ne dévoilent du monde que la sueur malodorante et terne de vos nombrils de nantis, élevés au jus de goyave et au daïquiri-citron ; chers théâtreux, acteurs géniaux, comédiens enragés, metteurs en scène plus foutraques que loufdingues, dont les si merveilleuses prestations suintent l'amateurisme d'un ego surgonflé à l'auto-suçage de bite d'un petit milieu étriqué, verrouillé sur lui-même, se complaisant dans la perpétuelle adoration d'un miroir déformant qui vous répète que vous êtes beaux, que vous êtes grands, de vrais génies au talent de circonstance, superficiel et accidentel ; chers plumitifs, intellectuels autoproclamés parce que partisans du point-virgule et du passé simple, ou au contraire, traînant dans vos phrases sans queue ni tête la saveur de la rue, celle que vous n'osez jamais approcher qu'en touristes à manches courtes, le foulard autour de vos cous de judicieux prosateurs, rimailleurs de bas-étage au sourire engoncé, à la tronche de traviole parce qu'à jamais maudits, conspués, rejetés, comme vous aimez tant le répéter à tort et à travers à votre entourage de moucherons aveuglés par la si pâle prestance de vos rébuts avortés ; chers artistes, donc, vous n'existez pas.
Je ne saurai, au juste, vous signifier tout le mépris que vous m'inspirez. Il arrive qu'il me monte à la gorge et m'étouffe, j'en tousse, j'en crache, j'en vomis mes entrailles imprégnées de bile et du Chili d'hier soir, et si je trempe ma plume là-dedans pour te pondre un texte, une chanson, une toile ou une pièce à la con, je sais pertinemment que jamais je n'arriverai à rivaliser avec vos moites créations, où le vide le dispute à la médiocrité ambiante de ceux qui croient avoir compris tout mieux que les autres et s'en tartinent la bistouquette parce que c'est du jamais vu, du jamais fait, de l'inédit, mec, et t'as rien pigé si t'adhères pas.

Vous vivez dans une bulle, une tour d'ivoire, une citadelle informe dont les parois imprenables vous protègent à tout jamais des gens de peu, des moins que rien, de ces risibles néophytes, béotiens incultes, profanes chaussés de clous rouillés et de semelles noircies de la boue d'un quotidien qui les dévore, les digère et les régugite à vos pieds de dieux vivants. Vous n'en poursuivez pas moins votre activité fumiste, pailletée jusqu'à la moelle. Vous inventez vos règles, ne les appliquez qu'à ceux qui vous font de l'ombre ou refusent de vous suivre, développez un langage hermétique pour trier le bon grain de l'ivraie, multipliez les barrières, les étiquettes, les factions ridicules, pour mieux vous distinguer des simples et des amuse-gueules qui, bien souvent, grossissent naïvement les rangs de vos lecteurs, votre public, vos fans, abusés, moqués, humiliés. Les plus sincères d'entre vous se cachent ou se suicident, par respect pour les esprits libres qui savent encore lire entre les lignes.

La plupart d'entre vous passe le plus clair de son temps à dévoiler ses gambettes, montrer son cul ou ses nibards pour récolter du flouze, des pépètes, des subventions. Vous n'affrontez rien ni personne, vous cherchez le pognon. Et lorsqu'il vous tombe enfin tout cuit, dans vos gueule grandes ouvertes d'affamés alcooliques, fumeurs et cocaïnomanes, plus festifs que torturés, vous pondez une oeuvrette, plus pauvre qu'un Gavroche en fin de course, plus formatée qu'un Marc Lévy, plus dangereuse pour l'esprit qu'un manga, un comics ou un blockbuster à la sauce Michael Bay.

Ca ne vous suffit pas. Il faut encore que vous l'ouvriez, votre minable bouche de privilégié, plus fainéant que oisif, réclamant à corps et à cris une refonte radicale du régime de l'intermittence, des budgets faramineux, parce que c'est la culture, merde, c'est l'avenir de nos âmes qui est en jeu, c'est la civilisation qu'on assassine en me refusant mes trois francs six sous pour développer un concept dont tout le monde se fout, et je parle que pour ma gueule.

Supprimons les subventions. Laissons-les crever, ces prétendus artistes aux lauriers d'or et d'argent dont ils revendiquent l'exclusivité. Voilà enfin un vaste chantier, une réforme indispensable pour le moins envisageable en termes de budget : ne leur donnons plus rien, qu'ils se dépatouillent enfin tout seuls avec les réalités du quotidien, qu'ils souffrent dans leur corps et leur estomac, qu'ils pleurent en prolétaires dans leurs taudis, leurs bidonvilles, leurs immondices d'artistes au rabais. Ca leur donnera de quoi s'épancher, de quoi créer, une véritable aubaine pour ceux qui transforment la détresse en gemme, la colère en brûlot.

Là oui, là nous verrons s'ils existent, ces fameux artistes dont on nous rabâche les tympans.

Et si t'es pas d'accord, c'est que t'as rien compris au tri sélectif.

= commentaires =

Dourak Smerdiakov

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Pute : 0
ma non troppo
    le 21/11/2014 à 23:36:44
En nous livrant ce second texte de la série, Mill entre dans le cercle très huppé des auteurs ayant plus d'une rubrique à leur nom sur la zone. Voilà qui va faire des jaloux.

Sinon, on peut se demander s'il n'y a pas contradiction entre le fond du texte et les reproches qu'on y trouve adressés aux œuvres formatées comme celles de Marc Levy. Parce que, sans subvention, on a le choix entre le cliché de l'artiste maudit qui crève de faim et la production visant un marché cible pour atteindre la rentabilité. Notons bien qu'en fait je n'ai aucune opinion tranchée ctb sur cette grave question. sauf d'un point de vue purement économique, parce que je pense que l'argent versé aux intermittents est aussitôt réinjecté dans le circuit économique, contrairement aux baisses ou aux non-augmentation d'impôts des classes plus ou moins aisées, qui sont épargnées, ou planquées dans les paradis fiscaux, ou dépensées en produit d'importation, ou en produits de luxe engendrant peu de masse salariale et beaucoup de dividendes, ou converti en bons du trésor américain pour financer le système militaro-industriel de l'impérialisme capitaliste.

Juste pour ouvrir le débat (celui qui me contredit verra tous ses commentaires effacés, bien sûr).

Commentaire édité par Dourak Smerdiakov.
Lapinchien

tw
Pute : 8
à mort
    le 22/11/2014 à 05:01:23
juste pour repositionner "les cris de la chtouille" dans leur contexte, il faut savoir que c'est une rubrique dans le roman "Confessions d'un Blaireau" de Mill, aussi ce n'est pas lui le narrateur et il dit très précisément ici dans son interview interactive que j'avais faite il y a un an, ce à quoi cette rubrique servait : https://www.youtube.com/watch?v=38HWSiA-PmM&t=14m50s

sinon ce que je trouve intéressant dans "les confessions d'un blaireau" de la part de Mill c'est de s'être mis dans la peau de Jack Torrance à Bécours "All work and no play makes Jack a dull boy'x10puissance10000 comme on peut le comprendre ici : https://www.youtube.com/watch?v=38HWSiA-PmM&t=11m11s
Lapinchien

tw
Pute : 8
à mort
    le 22/11/2014 à 05:13:22
sinon on peut faire abstraction du contexte effectivement et je soupçonne Dourak de vouloir que la Zone se transforme en ceci : https://www.youtube.com/watch?v=-BukUI-7p6s avec des pyramides humaines d'intermittents à poil afin que ce débat de commentaires de texte vire à un concours de quequettes en milieu hivernal
Dourak Smerdiakov

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Pute : 0
ma non troppo
    le 22/11/2014 à 15:46:07
Pas du tout, Je ne sais pas, j'attends les ordres de Poutine pour l'étape suivante du grand complot et l'invasion de la zone et du monde libre en passant par la Pologne pour s'essuyer les pieds. Il faudrait d'abord le convertir au catholicisme, idéalement, ce suppôt de pope. Mais les pyramides humaines à poil, ça m'étonnerait que ce soit son truc.
Lapinchien

tw
Pute : 8
à mort
    le 23/11/2014 à 12:40:48
"POPE POPE POPE POPE" https://www.youtube.com/watch?v=MdEqVj5NaPw
Dourak Smerdiakov

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Pute : 0
ma non troppo
    le 23/11/2014 à 17:45:13
1995. Ça doit être pour ça que les gens ont élu Chirac.

Commentaire édité par Dourak Smerdiakov.
David

Pute : -3
cordon bleu    le 30/11/2014 à 00:54:16
Il faudrait des jeux vidéo où on peut dégommer des artistes sans raison dans les rues, comme des zombies qui ne seraient pas vraiment des zombies, ou alors des compteurs pour mourir encore, mais là uniquement après avoir palpé une certaine somme d'argent, négociable par contrat avant ou pendant la conception, ce mot qui rappelle les concierges, et tout d'un coup je me demande si dans la haine du sort caviardé des artistes pleurnichards, il était bien entendu comme tout un chacun dont vous et moi que les cuisiniers, techniciens, prostitués, agents d'assurance, services psychiatriques, liés au secteur d'activités de la production de pestacle étaient bien entendu à joindre aux précédents dans la partie du contrat qui dit qu'ils vont souffrir.

bye

Commentaire édité par David le 2014-11-30 00:55:01.
Mill

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Pute : 1
    le 30/11/2014 à 18:25:32
Je suis d'accord avec tout ce que vous dites. Absolument tout.

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