Quelle ne fut pas la mienne quand en rentrant dans la chambre à coucher, je la vis à quatre pattes avec mon propre frère la besognant. En une matinée, j'avais décidé de couper les ponts avec ma femme ainsi que mon frère. Dépité par l'infortune qui me soustrayait la moitié de mes relations sociales, il ne me restait qu'une chose à faire : appeler Alex, mon meilleur ami, afin de lui proposer un déjeuner puis enchaîner par une beuverie telle que le souvenir de ma déconvenue matinale deviendrait l'équivalent d'une écharde dans le doigt à côté de la gueule de bois qui en résulterait. Seulement, une fois Alex informé de ma mésaventure, il me proposa moins d'alcool mais, en compensation, plus d'activité sportive liée à la luxure voire la dépravation.
"Tu connais, ma pote Émilie, m'interrogea-t-il ?
- Celle qui aime les plans à plusieurs, lui répondais-je?
- Exactement, elle a une invitation à une soirée, cette nuit. S'étant cassée le coccyx avec un de ses partenaires un peu trop bourrin, elle m'offre son ticket d'entrée pour deux personnes.
- Écoutes, je ne sais pas trop, je n'ai jamais fait ce genre de soirée. Je ne sais pas si ça va me plaire.
- Oh que oui cela va te plaire, ce n'est pas n'importe quelle partouze, c'est LA partouze. Les organisateurs n'en font qu'une par année, toujours dans une ville différente et c'est ici et aujourd'hui que ça tombe. Il y a de quoi boire, manger, sûrement se défoncer et ils fournissent en plus les plus beaux spécimens du genre humain, des expertes et experts dans la luxure capable de te faire jouir quatre fois en moins de dix minutes. Leur slogan est : "Vous n'en reviendrez pas".
- On dirait un slogan de parc d'attractions.
- Sauf que dans leur manège du grand splash, ce sont des femmes fontaines qui t'arrosent !
- Dégueulasse.
- Je suis sûre que ça t'inspire...
- OK, je viens"
Nous passâmes le reste de la journée à nous préparer pour l’événement. Le standing de la soirée étant élevé, il fallait s'habiller chic. J'optais pour un costume trois pièces blanc avec un nœud papillon noir tandis qu'Alex choisi la version noire et le nœud blanc, nous étions ainsi une version vivante du yin et du yang; lui, le dépravé notoire initiant ma pureté à la débauche d'une nuit coquine.
Je n'en menais pas large pour être honnête, la trahison matinale m'avait fait réaliser que je n'avais rien vécu d'extraordinaire de ma vie. J'avais connu Christine au lycée et nous nous étions mariés à 24 ans. Jamais je n'avais touché d'autre femme. Je vivais les aventures d'Alex par procuration. Lui, étant un queutard invétéré, baisant tout ce qui bouge sauf les mineurs et les animaux comme il disait. Ce soir, je m'autorisais pour la première fois à vivre ce que je n'aurai jamais dû m'interdire.
Nous arrivâmes sur place dans une rue discrète, à la tombée de la nuit et nous étions prêts pour expérimenter tout ce que je n'avais pu qu'apercevoir dans les films pornographiques de mon adolescence. Un vigile massif au visage tatoué nous laissa entrer à la vue du carton d'invitation qu'Alex avait soumis à son approbation. Après avoir parcouru un couloir sombre d'une dizaine de mètres, éclairé par des diodes rouges, nous débouchâmes dans une grande salle pavée d'un carrelage en damier. Des murs sombres, rayonnaient des chandeliers à trois branches dont l'éclairage était réverbéré par un plafond blanc concave. Devant nous un rideau rouge de théâtre séparait la salle en deux parties égales. Alcools et amuse-gueules étaient à la disposition des convives sur des tables recouvertes de nappes rouges, elles aussi. Une dizaine de personnes se répartissait cet espace. Coupe de champagne à la main, grignotant des canapés ou installés sur des fauteuils Louis XV aux dorures ouvragées. Les femmes étaient de tout âge, apprêtées par leur plus belle robe de couturier et leurs bijoux les plus chics. Les hommes avaient des cigares en bouche et certains entretenaient un embonpoint qui allait de pair avec leur nez carmin. Il me semblait reconnaître un homme politique dans le lot. Comme ils riaient ces gros pervers, s'attendant à passer une des plus belles nuits de leur vie.
"Comment Émilie a-t-elle obtenue une invitation pour une soirée pareille ? M'enquis-je auprès d'Alex ?
- Elle bosse dans un salon de massage et pour quelques extras elle réalise des finitions personnalisées si tu vois ce que je veux dire... Bref, un de ses habitués est un chef d'entreprise bourré de pognon qui connaît du monde. C'est par lui qu'elle a obtenu ce billet.
- Je crois qu'on est pas au niveau des autres invités.
- T'inquiète pas, une fois à poil personne ne verra qu'on est des prolos toi et moi, conclu-t-il avec un sourire."
Je ne m'apprêtais à acquiescer quand un gong retenti dans la pièce. Le son sembla nous englober de sorte qu'il était impossible d'identifier d'où ce dernier était en train de vibrer. Tous se tournèrent en direction du rideau où, des deux côtés, émergèrent un homme à droite et une femme à gauche.
La mise de notre hôte était d'une élégance rare, pantalon à pince, veste à queue-de-pie, lavandière rouge au-dessus d'une chemise à jabot. Il semblait venir du siècle dernier mais la coupe de ses vêtements était plutôt moderne. La femme, elle, était une beauté fatale qui aurait pu jouer un rôle dans un James Bond. Sa robe noire fendue laissait entrevoir une cuisse au galbe parfait et son décolleté une poitrine insolente. Un serpent semblait s'enrouler autour de sa jambe et l'échancrure du dos laissait entrevoir sa tête endormie entre les deux omoplates. Ses lèvres étaient recouvertes d'un rouge parfaitement accordé avec la lavandière de son comparse et dans ses longs et fins cheveux nichaient des rubans comme des papillons.
Se rejoignant au milieu de la salle, la belle posa sa main dans le creux du bras de Monsieur. Nous faisant face, ses lèvres surmontées d'une fine moustache terminée par deux spirales remontantes, se mirent en mouvement et comme pour le gong, le son de sa voix nous engloba totalement.
"Chers hôtes, Votre délicieuse présence est un ravissement, nous sommes heureux de vous accueillir en cette nuit spéciale. Nous fêterons l'équinoxe de printemps selon les traditions ancestrales de mon peuple. Vous vous apprêtez à goûter à mon hospitalité et j'espère sincèrement que vous saurez nourrir notre appétit pour les divertissements que nous vous proposerons. La nuit que nous attendions tous peut enfin commencer"
Quand sa voix à l'accent indiscernable se tut, le rideau remonta et, en nous tournant le dos, il ouvrit le chemin vers la volupté. Des fauteuils, divans et matelas sur lesquels des jeunes et magnifiques corps nus se caressaient, s'embrassaient et se cambraient, étaient posés çà et là, de part et d'autre d'un couloir menant au gong trônant sur un piédestal encadré par deux eunuques tenant dans leurs mains des maillets. Aux quatre coins de cet espace étaient disposés des reproductions de statue renaissance, je reconnus un David et une Venus. Le maître et la maîtresse de cérémonie remontèrent le couloir puis s'installèrent sur des trônes à l'allure royale de part et d'autre des deux hommes gras et nus qui se mirent à sonner l'instrument au moment même où le séant de leurs maîtres entra en contact avec le velours de leur siège.
Ce nouveau signal permit de faire la distinction entre le raffinement aristocrate et la brutale impatience des invités, certains se précipitant dans la mêlée d'autres approchant à pas lent, jugeant du regard qui serait à leur goût.
L'homme politique s'approcha d'un éphèbe à la peau ébène et commença à le tripoter de ses doigts boudinés. Détournant le regard, je partis m'équiper d'une coupe de champagne avant de prendre toute décision. Alex me suivit à la table et son dévolu se concentra sur une paille et de la poudre disposée en ligne sur un miroir. Après avoir reniflé, il me tendit le plateau réfléchissant. Hésitant un moment à cette première prise, j'envoyais valser ma retenue en inspirant un rail. La montée ne tarda pas à se faire sentir, je me sentais invisible, et chaud bouillant.
Avec un clin d'œil complice, nous nous dirigeâmes vers d'autres promesses délicieuses. Alex parti vers la droite et je pris la gauche, face à la reine de la soirée en espérant que celle-ci daigne nous rejoindre. Sur un sofa, deux belles demoiselles s'embrassaient langoureusement et quand je fis mine de m'approcher elles s'interrompirent, me firent un sourire et en recourbant leur doigt m'invitèrent à les rejoindre. Je pris place entre elles et, à peine installé, elles me couvrirent de baisers. Je sentais leur parfum de rose, la douceur de leurs mains sur mon visage et la chaleur de leur langue dans mon cou. Pendant que l'une se mettait à genoux pour m'offrir son sein ferme au téton durci, l'autre commença à me déshabiller. Je pris une dernière rasade de champagne et, posant la coupe sur un plateau mis à ma disposition par l'un des deux eunuques, je remarquai que le rideau avait été de nouveau fermé. Je me retrouvai nu si rapidement que j'ai cru à un tour de magie. Mes belles amantes étaient à genoux devant moi s'amusant de leurs lèvres sur ma virilité. Des vagues de plaisirs et d'excitations m’entraînèrent dans un enchaînement de postures où je me pris d'honorer mes compagnes à tour de rôle et j'eus la surprise de me rendre compte qu'il était possible de jouir plusieurs fois d'affilée. J'étais en sueur et essoufflé par cette activité libidineuse.
M'asseyant pour reprendre mon souffle, je prenais le temps de contempler la scène. Partout où mes yeux se posaient, cet enchevêtrement de corps se frottant les uns aux autres, était semblable à un grouillement d'insectes visqueux et poisseux. Une des invitées, une dame mûre, avait une coquine entre ses cuisses et non loin de là, l'homme politique était en train de se faire sodomiser par son premier choix pendant qu'une femme lui urinait sur le visage. Je levai mon regard vers le plafond de dégoût et me rendis compte que ce dernier envoyait à mes oreilles l'intégralité des râles de jouissance de tous les participants. La vue de ce gros porc en train de se faire pisser dessus avait réussi à calmer mes ardeurs et j'en profitais pour partir me désaltérer derrière le rideau.
Ce moment de solitude retrouvé, je pus apprécier un verre d'eau et réfléchir pour la première fois à ce que je faisais là. Au diable les remords, cette journée allait se terminer sur l'exact inverse de son commencement. Cependant, alors que je reposais mon rafraîchissement, le gong retentit une nouvelle fois, couvrant le bruit de l'orgie. Quand le son métallique se dissipa, les cris avaient changé. Des hurlements de terreurs se mêlaient aux cris de douleur. Des bruits de morsures précédaient ceux d'une mastication infâme. L'horreur de la situation me figea. Je vis le bas du rideau se mettre à bouger et Alex, des traces de griffures et de morsure sur le visage, ramper pour tenter de s'enfuir. Incapable du moindre mouvement pour venir en aide à mon ami, j'entendis ce dernier m'appeler par mon nom avant qu'une paire de mains surgissant d'à travers le tissu le saisissent pour l'emmener là où je ne voulais pas regarder.
Son râle d'agonie fut le déclic dont mon instinct de survie avait besoin. Mon esprit put reprendre le contrôle de mon corps. Mes jambes me précipitaient vers le couloir qui menait à la porte de sortie. Je ne sus jamais par quel miracle je trouvai cette dernière ouverte. Le vigile était absent et c'est en tenu d'Adam que je continuais ma course à travers les rues jusqu'à ce qu'une voiture de police me trouve.
J’eus beau leur expliquer ce que j'avais vu et entendu, ils m'embarquèrent au poste pour ivresse sur la voie publique et exhibitionnisme. Ce ne fut que le lendemain, après une nuit en cellule de dégrisement, qu'ils prirent ma déposition. Quand ils visitèrent l'adresse que je leur avais indiquée, ils ne trouvèrent qu'un vieil entrepôt abandonné depuis des lustres sans aucune trace du carnage dont j'avais été témoins. D'ailleurs avais-je vu quoi que ce soit ? Et puis, des gens disparaissent tous les jours. Personne ne voulut me croire.
Sans amis à qui me confier, n'arrivant plus à dormir a cause de cauchemars récurrents, je sombrai dans la dépression et perdis mon emploi. Je vis maintenant à l'hôpital psychiatrique où l'on m'interna, incapable de dormir ou même de manger en compagnie de qui que ce soit.
Deux ans après ce cauchemar, le son de ma propre mastication me donne encore la nausée.
LA ZONE -
Il y a des jours où l'on aurait dû rester couché. Ce jour en était un. Suite à une panne généralisée des serveurs de l'entreprise dans laquelle je travaillais, mon chef m'avait donné mon congé pour la journée. Je rentrais donc chez moi plus tôt et passant par le fleuriste et je décidais d'offrir un bouquet de roses surprises à ma femme.
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= commentaires =
J'ai bien aimé. Encore une fois, ça m'a rappelé les Contes de la crypte. On va finir par croire que je n'ai qu'une seule référence. Ah, non, j'ai aussi parlé d'Une nuit en enfer dans la critique. Mon honneur est donc sauf.
A.P, toi qui m'a l'air d'être porté, textuellement parlant, sur les plans cul qui virent au cauchemar, demande donc à Lindsay S de te parler de ses soirées SM où elle écrase des gars avec des talons aiguilles.
Ah, et juste pour la ramener un peu : le visuel fourni par l'auteur me fait penser à Twin Peaks.
yep.. passé simple des phrases d'accroche un peu trop ostentatoire pour être honnête.. quant au reste c pas assez sale..
"une femme lui urinait sur le visage".. mais pas vraiment.. car le rein urine.. et la vessie pisse.. c la base..
Je relis l'intro et je capte enfin que la 4ème phrase est toute nulle. Et c'est pas faute de m'être relu pourtant !
Décidément quand ça veut pas... ça veut pas.
Oui c'est sympa. Effectivement ambiance Twin Peaks comme dans le précédent texte de l'auteur. Et je salue l'effort de faire des phrases, à la fois compréhensibles mais pas non plus "étiques". J'aime bien le ton littéraire. MAIS
Il faut te relire à voix haute, c'est mon conseil. Y'a des formules qui te paraitront sans doute directement bizarres. Je les ai pas toutes notées, y'en a quand même pas mal. Mais un exemple : "Mes jambes me précipitaient vers le couloir qui menait à la porte de sortie", ça jure avec l'ambiance que t'as réussi à créer. Ce genre de phrase passe dans un truc un peu absurde, mais là, ça tombe a plat, on dirait surtout que tu t'es pris les pieds dans le tapis syntaxique. Y'a aussi : "Je levai mon regard vers le plafond de dégoût". C'est assez marrant si le but c'est de faire justement un jeu syntaxique, mais ça jure, là, avec le reste de la phrase, et du paragraphe, et du texte. C'est dommage car l'ambiance est bien posée et le style est là, mais ca donne l'impression en fait d'un rosier mal taillé. Bon et pour la trame, effectivement, pas super original mais cohérent, structuré, donc ça aussi, j'apprécie ! Pas besoin de révolutionner la littérature, en plus t'as ton univers, reconnaissable. Bon aprés j'espère que t'as des variations (serpents-vampires-backrooms-partouze, ça peut vite tourner en rond). Sauf si tu veux devenir le Bukowski du genre : partouze sur partouze sur femme fatale sur homme castré, ça peut devenir un genre (ca existe sans doute déja)