LA ZONE -

Je deale comme un con

Le 12/05/2025
par Mill
[illustration]     J'entame ce récit avec une pensée facétieuse à l'égard du système scolaire tel que je l'ai connu à mon entrée au lycée. Merci l'Éducation nationale, merci le lycée, merci Jules Ferry, et tiens, puisque j'y suis, merci Charlemagne, Jospin, Devaquet, Bayrou, Allègre et tous les clowns responsables, à un degré comme un autre, des innombrables réformes scolaires qui, bon an mal an, se sont donné le mot pour jalonner mon parcours d'élève pendant toutes ces années. Merci, parce que sans vous, je n'aurais probablement jamais tâté du pétard, et putain j'adore ça. Surtout, sans la mixité sociale qu'implique tout séjour plus ou moins prolongé dans les geôles de l'École républicaine et laïque française, je n'aurais peut-être jamais eu l'opportunité de tester mes talents d'entrepreneur à la petite semaine auprès de mes congénères.
    De là à prétendre que le trafic de stupéfiants reste l'apanage de l'école publique, y a qu'un pas que je m'interdis de franchir, puisque la plupart de mes fournisseurs pointaient tous les jours chez les curés ou dans un quelconque ghetto privé réservé aux filles et fils à papa de bonne famille. Ca m'étonnait pas plus que ça. Croyez-en un vieil adage que je viens d'inventer : quand ça sent le pognon, attendez-vous à trouver de la dope.
    « Salut, je m'appelle Guillaume. »
    Je le zieute sans trop me poser de questions. Fatigué. Il est huit heures trente-deux, c'est la rentrée et j'ai pas fini de digérer mon joint d'après le petit-déj'. Déjà que celui d'avant la douche a du mal à passer...
    Je lui réponds poliment, gentiment, lentement. C'est ma grande période du « doucement le matin pas trop vite le soir ». J'apprends à peine à jouer du deux-feuilles et je suis pas encore très résistant. Il est vrai que j'ai que dix-sept ans.
    Je sais plus trop en quelle classe je suis. Première, terminale ? C'est flou dans ma tête. Trop de joints. J'opte pour la terminale, parce que cette année-là, même mes parents s'en souviennent. C'est l'année d'Ève et de Sabine, l'année où je commence à écouter Thiéfaine, Hendrix, le Floyd, des gens sains, équilibrés, à l'hygiène de vie irréprochable. L'année où je me persuade que je deviendrai chanteur de rock, coûte que coûte, et s'il me faut sacrifier mes études ou ma santé mentale pour y parvenir, ben je dis pas non. C'est pas comme si je signais un contrat de dupes avec mon propre sang par une nuit de pleine lune à la croisée des chemins, pas vrai ?
    A la fin de l'année précédente, j'ai intégré un nouveau groupe, le Butterfly Jump, un quintette de « tueurs », pour reprendre l'expression que j'employais à l'époque, rapport au niveau technique des musiciens. Une section rythmique que nous auraient sans doute envié des vieux de la vieille, de fines lames en devenir côté guitares, et moi au milieu, chantant comme je pouvais, avec ma voix de casserole pas trop mal lotie. Nous reprenions les années soixante lysergiques, le blues-rock sudiste des seventies, quelques machins funky empruntés à droite à gauche, du vieux blues de Chicago. Ma foi, ça marchait plutôt bien pour une bande de gringalets.
    Mais j'avais pas d'ampli.
    T'avoueras que c'est emmerdant. On aurait joué du folk irlandais, de la musique andine ou de la valse-musette, je me serais démerdé avec un porte-voix, mais entre la saturation des deux gratteux, les roulements de tambour du porte-baguettes et la basse pour le moins sonore de l'ami Bam, j'avais plutôt intérêt à investir.
    Et j'en reviens tout naturellement à Guillaume, ce bizarre escogriffe au sourire carnassier rencontré sur les bancs de ma première terminale deux minutes à peine après le lancement de la rentrée de septembre.
    Pourquoi « bizarre » ? Mouais, quand on me connaît, on est en droit de s'interroger sur le sens qu'emprunte ce vocable dans ma bouche de... d'excentrique.
    J'ai jamais été un dingue des panoplies, des costumes, des signes tribaux quels qu'ils soient. J'en étais pas moins gamin et influençable comme tout boutonneux qui se respecte. Fasciné par les Sex Pistols et le mouvement punk, j'avais convaincu ma mère de m'acheter de belles Doc Marten's, noires et coquées, le must du must. Séduit par les grands héros de la culture rock, je moulais mon maigre derrière dans de magnifiques pattes d'ef' que m'enviaient les gonzesses plus que les mecs, revêtais un manteau en peau de mouton glané dans une célèbre friperie du centre-ville et me laissais pousser les cheveux bien au-delà des épaules. Mon beau-père m'avait offert un pendentif affichant le sigle de la paix, j'arborais une bague tête de mort là où j'enfilerais mon alliance des années plus tard, et je ne renâclais pas au foulard à tête de mort les jours de grand froid. En moi s'affrontaient le punk et le hippie, l'anar et le communautariste, le cynique et l'idéaliste. D'où de fréquents malentendus vestimentaires à travers lesquels j'amusais la galerie. Je dirais pas que je passais pour un con. On était nombreux à se chercher à travers les fringues de nos parents. Non, je dirais plutôt que je passais pour un con mal sapé.
    Guillaume, lui, affichait une cohérence exemplaire. Fan de punk et de son petit cousin français, le mal nommé « rock alternatif » - vaste poubelle dans laquelle on croise aussi bien l'exotisme éclectique de la Mano Negra que la musette romano des Négresses Vertes, le salmigondis acoustique des VRP, le funk destroy des Satellites ou le punk minimaliste des Bérus - Guillaume portait des jeans moule-burnes préfigurant ceux portés par Ewan Mc Gregor dans Trainspotting, de belles Creeper's à semelles compensées, des chemises à carreaux tombées du camion que conduisait probablement Malcolm Mc Laren dans le Londres de 1976, et capillairement parlant, voyons voir... Tu prends une brosse. Déjà, tu lui fais une coupe. Mais attention, rien de régulier façon militaire, rien de glamour non plus. Tu arraches trois poils ici ou là, un peu au hasard, sans viser la moindre harmonie. Tu frottes ta filasse avec du savon de Marseille, en prenant soin, évidemment, de semer des grumeaux au milieu d'une touffe, d'un nœud, de ce que tu veux, ce qui compte, c'est que ce soit pas propre. Tu te colles ça sur le crâne, t'as la brosse keupon.
    C'est à ce genre de détails que l'on mesure l'honnêteté intellectuelle d'un adolescent en quête d'identité. Guillaume incarnait à mes yeux le parfait punk issu des classes moyennes, désaxé mais grande gueule, malin comme un singe, aussi taré que moi quoique sur un autre registre, plus grégaire, quasi tribal. Moi, j'avais pas de bande. Juste des comparses. Lui se traînait une faune de bestiaux sapés à peu près comme lui, la même flamboyante insolence leur brûlant les prunelles, le même dégoût du monde, la même haine féroce teintée de cet humour agressif que je partageais dans les grandes lignes.

    « Dis donc hé, c'est du teushi que tu caches dans ta trousse, là ? »
    Un truc que j'arriverai jamais à retranscrire entre ces lignes : sa diction. J'ignore si c'était travaillé ou si ça lui sortait comme ça, tout cuit, de sa bouche à dents de loup. Des syllabes qui se traînaient, des consonnes qui résonnaient comme des coups de hache dans un bois sec, et de belles voyelles bien moulées dans la cire. En somme, une sorte de grelot légèrement guttural qui, sans le moindre signe d'avertissement, venait soudain instiller du rythme dans la mêlée, et d'un coup, c'était comme si tu l'entendais rire et se foutre de toi alors que non. Que dalle. Il se contentait de l'ouvrir et d'agiter sa langue comme le premier quidam. En ajoutant l'image au son, tu pouvais pas passer à côté de ses rides du rire, bien creusées autour de ses zygomatiques, et dont le relief saillant accentuait l'illusion d'un sourire permanent sur ce visage par ailleurs peu enclin à la mélancolie.
    Enfin, je dis ça, je l'ai vu pleurer, Guillaume. Une fois ou deux. On était proches, l'espace d'un an, proches comme le sont les enfant perdus lorsqu'ils se cherchent des repères et des valeurs, un chemin à suivre.
    Faut pourtant que j'arrête de m'interrompre. J'avance pas, sinon.

    « Dis donc hé, c'est du teushi que tu caches dans ta trousse, là ? »
    Oui, je choisis de me répéter, c'est plus simple. Sinon, tu vas te perdre et c'est pas le but.
    « Fais gaffe, » que je dis. « Tu parles fort. »
    Il se marre. Je me marre aussi, plus discrètement. Le prof a rien entendu. Il dégoise je ne sais quoi en langage mathématique. De toute façon, je pige rien. De toute façon, je m'en tape. De toute façon, on va tous crever, la vie est pourrie, no future, on répète samedi y a que ça qui compte.
    « Ouais.
    - Quoi, ouais ?
    - Ben ouais c'est du shit.
    - Ouais non mais je m'en doutais.
    - Ouais ok mais je te réponds.
    - C'est gentil à toi, mais c'était une question rhétorique.
    - Ah ouais d'accord. »
    Tout ça en chuchotant, au fond du cours de maths, Ève pile devant moi, Pascale à ses côtés, les deux plus belles gonzesses que j'ai jamais vues. Je vois que leur dos mais j'ai déjà beaucoup d'imagination.
    « Ça te dit de dealer ? »
    Je le regarde sans comprendre.
    « C'est un exercice de diction ? »
    Cette fois, c'est à lui de pas comprendre. Puis je vois son œil qui s'éclaire. Il se marre, je me marre. Le prof nous demande gentiment de la fermer. J'obtempère, Guillaume idem, les deux bombasses devant nous se retournent légèrement, un sourire en coin. Cool, elles apprécient les cancres.
    « Je suis en train de te proposer de faire affaire, tu vois. »
    Guillaume appartenait à cette classe d'individus qui adore ponctuer les fins de ses phrases d'un joyeux « tu vois », tic verbal qui a fini par déteindre sur mon propre parler et dont je ne me suis partiellement débarrassé qu'après une bonne décennie.
    « On achète dix grammes à trois cents balles. On les revend par barrettes, tu vois, cent balles la barrette. Pas dur de vendre cinq barrettes, tu vois, alors bon, on fait ça une paire de fois, et après on peut commencer à acheter en gros, tu vois.
    - T'as fait exprès d'attendre le cours de maths pour me parler de pognon ? Tu vas me proposer quoi en physique-chimie ? De fabriquer nos propres acides ?
    - Eh mais c'est pas une mauvaise idée, ça ! »
    Comme souvent quand une trouvaille quelconque l'enthousiasme au plus haut point, sa voix chavire et passe d'une tonalité à l'autre, d'où une certaine hausse de volume sonore qui échoue bien évidemment à garder profil bas dans cette salle de classe à l'acoustique peu adaptée aux conversations clandestines. Le prof nous oppose sa grosse voix de chaleureux méridional, Guillaume se fait virer jusqu'à la fin du cours, je me roule un stick pour m'occuper.
    « Ça sent le brûlé, non ? »
    Ève vient de se retourner. Figure poupine, le visage plein et majestueux, les yeux d'un bleu à sodomiser un schtroumpf, des boucles blondes, la voix plus douce que le dernier souffle d'un mort-né. Je tombe instantanément amoureux.
    « Oui, heu, un petit accident... »
    Elle fronce les sourcils, se demande visiblement si je me fous pas de sa gueule, se retourne en haussant les épaules. J'ai jamais su draguer.
    Faut croire que le prof l'a à la bonne. Il a tout vu, il a rien dit. Encore un sur qui le charme opère.

    Plus tard. Peut-être le même jour, pas sûr. En tout cas, cette fois, ça se passe en cours de physique-chimie. Pendant que ça déblatère sévère du côté de l'estrade, Guillaume - que j'appelle déjà Willy Boy dans le dedans de ma tête - poursuit son exposé.
    « Regarde, j'ai calculé, j'ai pris des notes, j'ai même rempli un tableau. »
    Il pêche dans la poche arrière de son moule-couilles une feuille de papier à grands carreaux pliée en huit qu'il déploie aussitôt sur la table, sans se préoccuper une seconde des babillages de la crevette à lunettes qui tâche vainement de nous apprendre quelque chose au sujet d'un truc que j'ai oublié - j'en déduis à posteriori que ça ne devait pas être très important.
    Impressionné, je me penche sur les notes de mon futur associé.
    « Pas mal. Je comprends rien, mais je suis épaté. La prochaine fois, je veux un power point.
    - Tu comprendrais pas plus. Laisse-moi m'occuper des calculs, toi tu feras relations publiques. »
    Il m'a bien regardé, lui ? J'entrave nib en matière de salamalecs et de copinages. J'ai plutôt tendance à enchaîner les ruptures diplomatiques et la plupart des gens me prennent pour le bon con de service qui glande que dalle parce que, voyez-vous, Monsieur chante dans un micro et gribouille des petits poèmes dans la marge de ses cahiers.
    « Ta gueule et écoute. »
    Ah oui, j'ai oublié de préciser que Guillaume lit dans mes pensées. Je sais pas comment il s'y prend mais il se plante jamais.
    « Tu voulais t'acheter un ampli, non ? Bon, avec mon plan, tu vas y arriver d'ici deux mois grand max. Voilà ce qu'on va faire... »
    Et il m'embobine, ce con !
    Ah, sur le papier, c'était nickel. A en croire les projections ultra-sophistiquées de mon acolyte, non seulement je pourrais me payer mon ampli avant Noël, mais en plus, j'aurais amplement de quoi fumer toute l'année sans débourser un kopeck.
    « On va se faire des couilles en or, tu vois.
    - Ouais, admettons. Mais d'abord, je tiens à mettre en avant deux points de détail. »
    Il me jette un regard circonspect. Au loin, la prof trace un schéma totalement abscons sur le tableau noir. Ça crisse légèrement et je pense à mon phimosis.
    « Ben je t'écoute. »
    Ce léger suspense que je laisse planer comme un doute au-dessus de sa tête, j'y tiens beaucoup. Énormément. J'entreprends de compter lentement jusqu'à dix dans mon for intérieur pour laisser le temps au temps de...
    « Arrête de compter et accouche. »
    Putain, il m'épate.
    « Premièrement, est-ce que t'es conscient que t'es vachement doué en maths, connard, et que, si tu bossais ne serait-ce qu'un chouïa, tu cartonnerais grave de grave ? Deuxièmement, je me paye l'ampli et après j'arrête. »
    Curieux, il se marre pas. Pourtant, j'ai commencé par une vanne.
    « Pourquoi ? Ça te pose un problème moral, de vendre du shit ? »
    De but en blanc, j'ai envie de lui balancer que oui, c'est une évidence, le shit, c'est de la drogue, et la drogue c'est mal, et vendre de la drogue, c'est le mal absolu, mais je me rends bien compte que ce discours convenu ne tient pas la route quand on fume comme je fume. Je me creuse la cervelle, à la recherche d'une parcelle de moi-même, une miette d'authentique que je pourrais ériger comme l'échantillon d'une pensée profonde, mais tout ce que je trouve à dire, c'est :
    « Oui, bon, je sais que le shit, c'est pas l'héro ou la coke, ou même des acides.
    - Ben ouais, attends. Si c'était dangereux, ça se saurait.
    - Mais ça me fait chier parce que, bon, c'est pas légal. Si on se fait choper, c'est bonjour les emmerdes, et pis bon, pffff... Y a des mecs à qui ça réussit pas. »
    Là, je crois que j'ai marqué un point. Un tout petit point mais je vois bien que ça cogite sous son front.
    « Bon, t'inquiète pas, on fera gaffe. Et pis au fond, t'as raison, on arrête quand on veut. »
    On a topé. Bruyamment. La prof nous a virés tous les deux et on est partis s'en rouler un méga maousse en attendant l'heure du repas.

    On a acheté, on a vendu. Puis on a racheté et on a revendu. Au début, sans vouloir abuser de jeux de mots téléphonés, ça roulait. On fumait pas plus haut que le bord, on refilait des barrettes pas trop maigrichonnes, les copains en redemandaient, on se retrouvait vite à court. Mes scrupules du départ, je les ai prestement camouflés sous un voile de fumée blanche qui s'épaississait au fil des semaines. Je m'en rendais pas compte, Guillaume non plus, occupés qu'on était à devenir les nouveaux caïds du lycée.
    Enfin, permets-moi de relativiser. J'ai jamais pété les genoux de personne et Guillaume, quoique prompt à s'emporter contre tout autre que nous - ce grand « Nous », je l'ai compris plus tard, revêtait une importance toute particulière à ses yeux - dans l'intimité de nos débats fumigènes, n'a jamais dégainé son couteau, empoigné une chaîne de vélo, agité un nunchaku. Je suis même pas sûr qu'il ait seulement balancé le moindre coup franc, sinon, peut-être, à l'occasion d'un pogo frénétique dans la fosse aux lions. Que celui qui n'a jamais profité d'un pogo pour tester son crochet du droit jette la première pierre, merci, au revoir.
    En tout cas, je deale pas depuis trois jours que je remarque déjà de menus changements concernant ma vie sociale. Soudain, j'ai des tas et des tas d'amis.
    Guillaume me répète que c'est normal, que j'ai une belle gueule - ce que je récuse - que je jouis de la popularité douteuse propre au « chanteur du bahut », que mon habitude de jamais traîner qu'avec de rares élus, et encore, pas à chaque instant de la journée, me pousse justement à croiser à peu près tout le monde, tous les clans, les petits groupes qui s'observent, s'épient, s'imitent, se haïssent et s'admirent tout à la fois. C'est vrai que je dis bonjour à tout le monde, je m'arrête deux minutes pour causer, lâcher une vanne, puis je repars sur une boutade pas trop débile, recommence un peu plus loin, etc.
    « Aaaaah, c'est ça, les relations publiques dont tu me parlais... »
    Il me dévisage longuement comme si j'étais né de la dernière pluie.
    « Toi, tu comprends vite mais faut t'expliquer longtemps, tu vois. »
    
    Un mois plus tard, je fume tellement que je transpire du hasch. Dingue. Je fume dès le réveil. Je loupe le bus pour pouvoir marcher et fumer sur le trajet. Je tire à pile ou face devant le premier cours, qu'il m'arrive de sécher pour en fumer un troisième. Je fume à la pause de dix heures. Je me fais virer de certains cours pour fumer davantage. Je fume entre midi et deux. Je fume cinq ou six joints chaque soir avant de m'endormir. Je lis en fumant, je regarde des films défoncé, je mange avec mes parents dans un état second. Quand j'écris, je flotte toujours en cet ailleurs brumeux, cotonneux, ce gouffre mou à la lumière tamisée qui rassure tant les tox.
    Ben oui. Je l'ai pas encore intégrée, cette donnée, mais je suis tox. Ouais ouais, je sais, j'entends, y a tox et tox. Je me suis jamais piqué, mon premier rye de coke, je l'ai sniffé quinze ans plus tard et ça m'a déplu - quelle drogue antipathique, la coke, tu trouves pas ? J'ai gobé une fois, un quart de buvard frelaté qui m'a juste arraché de longs, longs rires, j'ai pas eu envie de renouveler l'expérience. Quand je picole sec, je tombe des fûts entiers avant de sombrer dans un sommeil sans rêves exsudant la sueur froide des illusions perdues, mais ça reste assez rare pour que je passe au travers de l'étiquette de pochard. Alors ouais, sûr, y a tox et tox. De là à minimiser...
    Et si j'ouvrais une parenthèse, une de celles que je referme jamais quand il faut ? J'hésite. Je vais jamais le torcher, ce texte...
    Bon allez, j'ouvre.
    (Je suppose que, comme tout un chacun, on t'a déjà largement rabattu les esgourdes avec l'expression « c'est quoi ta came? » Interrogation relativement bénigne dans le fond mais dont la forme emprunte au vocabulaire junky le plus basique, c'est dire si notre langage moderne se nourrit de shoots depuis quelque temps. Tu veux un autre exemple ? Tu sais d'où ça vient, le mot « kif », pour plaisir, extase, volupté ? Le kif, c'est le pollen du chanvre. Tu le compactes, tu le coupes et t'obtiens du hasch.
    T'es gentil, quand tu sais pas, tu demandes.
    Des exemples, y en a d'autres, mais je suis pas là pour dresser des listes. T'as qu'à chercher, t'en trouveras plein. Tu sais d'où ça vient ? J'irais pas jusqu'à prétendre que j'ai ma petite théorie là-dessus - je m'en voudrais de péter plus haut que mon QI. En revanche, y a de quoi s'interroger sur la place qu'a fini par prendre la drogue dans nos belles sociétés. Si t'en es pas persuadé, mate un peu les pubs pour les sodas, les bonbons, les trente-six mille sucreries pourries qu'on nous apprend à préférer à une pomme cueillie d'un arbre ou à une noix éclatée dans un chambranle de porte. D'abord, on te montre des gamins tout mous du genou, maussades comme c'est pas permis, des mioches en manque, y a pas d'autre mot. Puis t'as le dealer qui débarque. En général, le dealer, c'est leur môman, mais y a des variantes. Parfois, c'est le papa, parfois c'est le grand frère, la grande sœur ou un copain d'école - encore que, dans ces derniers cas de figure, il s'agit pas de dealer mais de « pusher ». T'es familier du concept ? Le pusher te fournit rien, il te pousse à consommer. Confère la reprise de Steppenwolf : tu peux l'ouïr, si le cœur t'en dit, sur la face B du premier album, éponyme, ou sur la B.O. d'Easy Rider.
    Parfois, c'est carrément le produit qui prend la parole et s'adresse directement à l'enfant. Attention à la mise en abîme : l'enfant, tu le vois à l'écran, mais l'enfant, c'est aussi toi, moi, tous les cons coincés devant la télé parce qu'ils ont la flemme de se lever pour aller pisser. Le Prince s'anime et quitte son paquet cylindrique, le Lion rugit « de plaisir », les avatars de Nesquik se la jouent Casimir, et là personne s'étonne jamais. Au moins, dans un film underground, du genre de ceux où le réal assume sa défonce, tu croises un épouvantail à l'œil rouge cerné de charbon, les côtes saillantes et la main qui tremble, qui tire sur son pétard en maugréant dans un sourire triste que putain, ouais, j'hallucine grave, mec.
    Ce qui me révulse le plus dans ces pubs survient à l'instant même où le gamin - la cible, disent-ils dans leur jargon - ingère le produit. Son beau visage tout lisse de bambin tendre comme une escalope emballée sous cellophane, pourtant si terne à peine dix à quinze secondes plus tôt, s'illumine comme le regard d'une strip-teaseuse qu'aguiche un billet de cinquante. Et là, c'est comme si le Nirvana s'écoulait dans sa petite gorge étroite, un Nirvana sirupeux et moite, puant les ruelles crasses des favelas télévisuelles. Tu la sens, la giclée de glucose ? Tu l'as bien savouré, ton shoot ? T'as intérêt, sale môme, parce que le premier Kinder, le premier Fanta, le premier Papy Brossard à la mords-moi-la-tige, ça restera toujours le meilleur. Les suivants ne seront jamais que redites imparfaites, répétitions, paraphrases cruelles et balbutiantes d'un moment à jamais gâché.
    T'as l'impression de deviner où je veux en venir, je me trompe ? Alors là, il va nous sortir qu'il est rien qu'une pauvre victime parmi tant d'autres, le pur produit d'une société sclérosée que rongent les contradictions et les névroses, que c'est pas lui, pas sa faute, on l'a influencé, insidieusement, sournoisement, mais sans trop se cacher non plus. « On » ? C'est qui, « on » ? Eh bien, les pubs pour la malbouffe, bien sûr, mais aussi Hendrix, Lou Reed, Syd Barrett, Christiane F., Baudelaire, la Pythie, Lewis Carroll et son Alice psychédélique, Moebius et ses dessins d'outre-espace, et tous les adultes amateurs de pinard, de bière, de clopes... Ça me plairait bien, de coller au cliché. Ça me permettrait de la refermer, cette parenthèse.
    J'étais une statistique, point barre, un junky potentiel parmi des milliers d'autres. Pourquoi ? Parce que voir ci-dessus, certes, mais il convient d'y ajouter mes fragilités d'adolescent déraciné, mon attrait tout particulier pour la transgression, mes tendances suicidaires encore peu affirmées.
    Et puis d'ailleurs, merde quoi. C'est bon, le hasch. C'était ça, ma came, le hasch. Ou plus précisément, le cannabis, la beuh - et encore plus précisément, la super skunk directement importée des Pays-Bas par une copine du CIRC. Si je n'avais fumé que de la merde, si l'ivresse cannabicole ne m'avait pas autant correspondu, jamais je serais tombé là-dedans. J'aimais ça, la défonce, l'œil vitreux, ce sourire distendu qui te quitte jamais, ces voies étranges qu'emprunte ton esprit lorsque la fée fumette te retourne la cervelle. C'est fini maintenant, mais putain ouais, j'étais tox parce que j'aimais ça et j'avais donc aucune raison sensée de m'en priver.)

    C'est Guillaume qui tire la sonnette d'alarme. Va pas t'imaginer qu'il s'inquiète pour notre santé ou nos résultats scolaires. Un jour, il me chope à la sortie d'un cours - un de ceux où les profs ont enfin pigé qu'il vaut mieux pas qu'on s'installe à côté l'un de l'autre :
    « T'as tout fumé ? »
    J'ose à peine le regarder.
    « Ben ouais. »
    Il baisse la tête, aussi piteux que moi.
    « Ouais, moi aussi. Ça craint, tu vois. »
    Je le contredis pas. En même temps, je m'en fous. Il me reste de quoi fumer ce soir et demain. Pas beaucoup, mais ça me rassure. Je te l'ai dit, non, que je suis tox ?
    « Il te reste de l'oseille, au moins ?
    - Assez pour acheter dix grammes.
    - Cool. Moi pareil. On va choper vingt grammes, au moins. Normalement, j'ai des prix. Si je débarque avec six cents balles, ça devrait nous assurer une belle savonnette, tu vois. Faut juste qu'on arrive à se tenir. On peut encore se rattraper, tu vois. »
    Sacré lui, va ! Toujours à calculer, à planifier. Sauf que c'est rien que des illusions de tox. Du vent. Du pipeau. Dans moins d'un mois, c'est Noël, et après ça, le nouvel an. Pour des apprentis junkies comme nous autres, ça se traduit en dizaines de joints, des bangs, des shiloms, des pipes à eau, voire des curiosités géométriques relevant de l'origami, type moustache (deux pétards en un seul que l'on fume à leur point de jonction) ou tulipe (un long filtre en carton au bout duquel le mélange tabac/résine, dont la quantité équivaut à celle qu'on réserve au classique joint à trois feuilles, s'agglutine en une espèce de boule enveloppée dans une sorte de pochette constituée de deux feuilles). Je le sens venir. Une petite voix tenace me cause dans le creux de l'oreille mais je l'écoute pas plus que ça. Alors oui, achetons-les, ces vingt grammes, oui oui, on se promet de tout vendre, de rien rouler pour notre gueule, mais oui, je te dis, on est des hommes d'affaire, des mecs sérieux comme t'en croises jamais dans un lycée.
    Le lendemain, en cours de physique - contrairement à ses collègues, la crevette binoclarde ne songe jamais à nous séparer - Guillaume me dévoile un magnifique schéma. Ça ressemble à un plan. Ça ressemble au plan d'un gros machin conique. Ça pourrait éventuellement représenter une fusée de bande-dessinée, mais pas du tout.
    Je le regarde et je capte tchi.
    « C'est pour le nouvel an. Un seize-feuilles.
    - Ça mesure dans les trente centimètres, ton machin. T'es sûr que ça va suffire, seize feuilles ?
    - On s'en fout. J'ajusterai, au besoin. Ce qui m'emmerde le plus, c'est comment je vais coller tout ça, tu vois. »
    Il a pas l'air de piger que ce genre de questionnements me passe largement au-dessus de la tête. Pour moi, plus y a de joints qui tournent, meilleur c'est. Comme ça, je peux me caler avec mon cône perso sans rien demander à personne. Je les fume comme des cigarettes, sans jamais proposer, et qu'on vienne pas me faire chier avec l'esprit communautaire, c'est comme ça qu'on finit par choper de l'herpès.
    « Je sais pas combien de clopes il va nous falloir pour le mélange, mais je parie sur une cartouche entière.
    - Et combien de shit ? »
    Il écarquille les yeux et élargit son sourire, l'air mystérieux.
    En tout cas, nos vingt grammes, j'ai idée qu'ils verront pas la nouvelle année.

    Un autre jour, Guillaume me rechope sans crier gare. Il a pas l'air joisse.
    « Il paraît que t'as fait des prix à Cédric ? »
    Un de nos clients.
    « Ben ouais, c'est commercial. Il a pas trop de thune, il achète régulièrement, on lui fait une petite fleur.
    - Ça me plait pas, mec, tu vois. On commence par faire une petite fleur à un mec, et après, tu vois, t'as tous ses potes qui la ramènent sur les prix. C'est un marché, tu vois. Si tu baisses les prix, on l'a dans l'os.
    - J'avoue que j'avais pas pensé à ça.
    - Ouais, ben penses-y. Si tu veux ton ampli, t'as vraiment intérêt à t'en souvenir, tu vois. »
    J'omets de lui raconter que Cédric n'est pas le seul à profiter de mes largesses. Je sais pas marchander, je sais pas vendre. Tout ce qui évoque une transaction financière me terrifie. Et surtout, je me mets à leur place. C'est mon côté gauchiste de pacotille. Je vois bien que ça le gonfle, le Guillaume, mais je vois pas bien l'intérêt de rien glander au lycée si c'est pour me transformer malgré tout en esclave de la loi de l'offre et de la demande.
    Je ferme ma gueule pourtant. Guillaume, je commence à le connaître, tu vois.

    Le nouvel an se déroule comme je le pressentais : une orgie enfumée, toute en hyperboles et démesure. Je découvre à cette occasion que Guillaume s'est creusé un compartiment secret de belle taille dans la semelle de l'une de ses Creeper's, façon Sick Boy dans Trainspotting. Dans les circonvolutions tortueuses de mon esprit déchiré, je juge cette amélioration à la fois chic et effrayante. Si j'écoutais plus souvent la petite voix qui me parle de loin en loin - qui tend toute de même à s'assoupir avec tout le THC que je lui balance dans les naseaux - peut-être que je me dirais qu'il est bien parti pour passer pro, le Guillaume. L'idée n'en finit pas de me déplaire mais je tire une taffe sur son-seize feuilles, puis une autre, et encore une autre, une autre, une autre...
    Je m'endors pas, comme les autres, dans les vapeurs. Je continue de me rouler des gros joints longtemps après que le golgoth de Guillaume a rendu l'âme. Guillaume aussi a rendu l'âme. C'est lui qui tenait le truc, tu vois, dans une petite pièce située dans le fond de l'appart'. Question de décorum, j'imagine. Vu qu'y avait pas la place pour toute la clique, on le rejoignait par paquets de trois ou quatre. Fidèle au poste, il a pas bougé de son trou. Ça a duré une heure, jusqu'à ce qu'on entende un grand boum. On bondit, on se précipite, on accourt. C'est Untel qui découvre un Guillaume évanoui, assommé par la fumée continue de son monstrueux pécos.
    Je me marre doucement avant de participer activement au plan de sauvetage. Plus de peur que de mal, mais qu'on vienne pas me soutenir que le hasch reste une drogue anodine.

    La chute de Guillaume préfigure celle de notre association. Déjà, la rentrée de janvier sonne le glas de nos réserves. Plus un gramme à vendre. A peine quelques miettes ici ou là, de quoi fumer un stick un soir sur deux. Plus beaucoup de pognon également. Faudrait qu'on puisse investir mais il nous manque le capital requis. Égoïstement, je pense d'abord à ma gueule. J'auto-édite un recueil de poèmes avec les moyens du bord et entreprends de le vendre à mes condisciples. Guillaume me félicite.
    « Bonne idée, mec. Ça va nous aider à racheter de quoi revendre. »
    A l'époque, cette phrase ne me choque pas outre-mesure.
    Je tombe amoureux d'Ève. Il ne se passe rien.
    Je répète avec mes deux groupes. Noway donne son unique concert dans la cave d'un ami du batteur. Je rejouerai dans cette même cave près de deux décennies plus tard avec un trio acoustique appelé à devenir les Escalopes milanaises. Le temps passe et les boucles ne se bouclent jamais vraiment.
    Sur la vidéo de ce concert unique, on aperçoit Guillaume, le pied dans le plâtre à cause d'un accident de ski - « J'ai découvert un truc, tu vois. Le shit et le ski, c'est pas forcément compatible, tu vois. » Malgré le plâtre, Guillaume se jette dans un pogo désespéré pendant notre medley de Téléphone. Je le rejoins pendant le solo guitare. On est jeune, on est con. Mais le pogo, mec, c'est notre truc.
    A aucun moment je me dis que Guillaume n'écrit pas, ne chante pas, ne jouit pas de cet univers intérieur qui me permet de m'affranchir du réel et de penser à autre chose qu'au hasch. A aucun moment. Nous cheminons ensemble mais nos pas ne se croisent jamais. Je m'en rends pas compte, qu'il pourrait sombrer, parce que j'ai moi-même un cancrelat dans l'isoloir, et cette bestiole grossit tranquillement dans son coin, jusqu'à ce qu'elle daigne enfin exploser, neuf ans plus tard, peu après la mort de mon géniteur.
    Je rencontre Sabine. Une très belle gonzesse, d'une mollesse exemplaire, plus hippie tu peux pas, ce serait forcer le trait. Je tombe pas amoureux, j'ai Ève dans le sang, mais j'aime bien être avec elle. Ça dure pas. On s'embrasse, on fume, on s'embrasse, on refume. Je cause pour meubler le silence. Elle aime bien mes bavardages mais j'ai l'impression de l'emmerder. Peut-être parce que je m'emmerde, au fond.
    Elle est la première à me larguer avec ces mots : « T'es trop gentil. » Je ne m'habituerai que passé trente ans.
    Pendant ce temps, Guillaume échafaude des plans, contacte des mecs louches, achète du shit coupé à la paraffine. Pas cher. Normal, c'est de la merde. On le fume quand même.

    Mes parents finissent par réagir. Marrant. Ils ont mis le temps. Faut croire qu'ils amassaient les preuves. Un jour, ma mère tombe sur une liasse de billets planquée sous le lit. La liasse est pas épaisse. Ça ferait marrer n'importe quel revendeur à Sarcelles, mais c'est clair que c'est pas avec mon argent de poche que j'ai pu récupérer tout ça. Avec le « magot », un carnet. Dans le carnet, des noms. A côté des noms, des chiffres. On dirait pas, mais je sais m'organiser quand je veux.
    Un autre jour, je lâche carrément un morceau de dix grammes devant mon paternel. Il s'en empare et me demande ce que c'est. Il sait très bien ce que c'est. Il confisque le bout de résine tout en promettant de me le rendre pour les vacances. Ils sont comme ça, mes parents. Justes mais pas sévères.
    A la même période, le lycée alimente régulièrement notre boîte aux lettres de diverses observations tout à fait légitimes concernant mes absences, l'état de mon bulletin scolaire, mon attitude désinvolte, voire une certaine insolence vis-à-vis de certains profs. Mes parents rencontrent le proviseur, mon prof principal, le responsable de la vie scolaire, les parents de Guillaume, et je suis condamné à me racheter une conduite. Je promets de me reprendre en main, de cesser tout trafic, de consulter un psychologue, d'arrêter de faire le con.
    Guillaume affronte ses parents, lui aussi. Je suis pas tout dans le détail, mais je vois bien que l'intransigeance de son père le pousse dans ses retranchements. Il se radicalise, continue d'acheter du shit en grosses quantités jusqu'à ce que son fournisseur l'entube royalement, en long en large en travers.
    « Alors il me dit, tu vois, qu'on lui a braqué toute la came et toute la thune, tu vois, et du coup, il me propose des cachets de tranxen ! J'en ferai quoi, moi, de son tranxen ?
    - Laisse tomber. Ton fric, tu t'assoies dessus. Ton bizness, t'y penses plus. Tu passes à autre chose et tu laisses tomber.
    - Non-non, tu vois. Je vais y aller avec la bande, avec le couteau et tout. Tu vas voir s'il va pas me les rendre, mes deux mille balles... »
    On se voit moins.
    
    Je me souviens quand même d'une anecdote, datant d'avant la Bérézina, quand mes parents n'avaient pas encore découvert le pot aux roses et qu'on vendait en seigneurs. C'était le soir de l'État du Rock, au Zénith. L'affiche nous promettait une belle soirée : Noir Désir venait de sortir son dernier album, Tostaky, à mon avis le meilleur. Les VRP annonçaient leur séparation avant de distribuer leur instruments dans le public pour bien acter leur décision. J'étais défoncé, avachi sur Sabine, les oreilles pleines du vacarme des guitares. Pour acheter nos places, on avait dû vendre des barrettes devant l'entrée de la salle. Mille balles chacun. Peut-être davantage pour Guillaume. Il était meilleur que moi à ce jeu-là.
    J'ai croisé une amie du lycée. On se salue. Puis je me tourne vers la salle, enfumée comme tu peux pas imaginer si t'es trop jeune pour avoir connu les concerts avant l'interdiction de cloper dans les lieux publics. Dans un geste théâtral et emphatique, je désigne le nuage blanc et déclare :
    « Tu vois cette fumée ? J'en ai vendu la moitié. »

    Trois ans plus tard, en fouillant dans mes affaires, je tombe sur l'opinel dont nous nous servions pour couper nos savonnettes. Tu vois la petite entaille qui te permet de sortir la lame de son manche de bois avec l'ongle de ton pouce ? Je l'ai grattée bien comme il faut et je me suis roulé deux cônes en souvenir du bon vieux temps.
    Puis j'ai rayé « bon » et je suis passé à autre chose.

= commentaires =

Lapinchien

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Pute : 15
à mort
    le 12/05/2025 à 02:14:25
J'ai eu du mal rentrer dans le texte parce que je fais des bouffées délirantes le soir. Que le narrateur de Mill parle du plaisir de la drogue ça me laisse pantois, parce que c'est justement la prise de neuroleptiques à doses de cheval qui provoque en moi les bouffées délirantes et que je n'arrive pas à dormir. J'ai très peu pris de drogues illégales, que des trucs prescris par des psychiatres mais je les ai allègrement mélangés à de la vodka et je me suis déjà auto-prescrit des restes de vieux médocs qui traînaient dans mon sac à vieux médocs, donc j'imagine que je suis aussi un tox voire encore plus qu'un simple fumeur de joint. Enfin bref, je pense relire ce texte demain car j'ai eu du mal à rentrer dedans.

Pire que ça, j'ai cru reconnaître un ancien zonard derrière le personnage de Guillaume et sa copine derrière le personnage d’Ève aussi je pense que je vais me coucher en m'enfilant deux Lexomils même s'ils ne me font plus tant d'effet que ça.
Mill

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Pute : 15
    le 12/05/2025 à 04:53:56
En tout cas, le Guillaume en question n'est pas un ancien zonard et l'Eve qui apparaît dans le texte n'est pas celle que tu as rencontrée. Pour le reste, un texte décousu, haché. Je comprends qu'on ne rentre pas dedans. Tout n'y est pas totalement vrai non plus. Ca reste plus proche de l'autofiction que de l'autobiographie.
Lapinchien

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Pute : 15
à mort
    le 12/05/2025 à 06:44:21
Si c'est pas lui, tout le monde deale à Montpellier ? C'est quoi cette ville de gropédés ?
Lapinchien

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Pute : 15
à mort
    le 12/05/2025 à 07:16:01
J'ai relu le texte aujourd'hui et il et vraiment sympatoche en fait. J'ai plus la tronche dans le flou artistique alors je peux mieux appréhender la chose. Superbe texte même s'il y a de nombreuses digressions, celles-ci apportent du souffle au texte et ne l'alourdissent pas, elle sont les bienvenues.
Magicien Pampers

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Pute : 8
@Mill    le 12/05/2025 à 09:00:13
Même histoire, même époque à Toulouse. Bravo.
Hey, vous aviez « Fly in the tox »chez vous!
Lapinchien

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Pute : 15
à mort
    le 12/05/2025 à 11:47:39
Non, à Montpellier on avait Pierre Vassiliu, paix à son âme : https://www.youtube.com/watch?v=VmUYnxlAaMo
Magicien Pampers

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Pute : 8
À la demande de Lapinchien    le 12/05/2025 à 14:08:52
qui souhaiterait un peu plus de sérieux et de rigueur dans mes commentaires. Je trouve que le texte de Mill fait un peu « ancien combattant ». Même si cela fait plaisir de lancer un œil dans le rétroviseur et que l’histoire se déroule sans accrocs techniques. Mais, l’auteur est souvent complaisant avec lui même, sous couvert d’autodérision. Nous apprenons par exemple qu’il est beau mais que, comme il ne comprend pas les femmes, forcément, son score perso n’est pas fameux. Difficile de parler de soi avec objectivité, dans un récit, c’est encore plus périlleux. Mais, le pire passage de cette histoire ordinaire et navrante - suis un ancien canabisomane aussi - réside dans le passage de révolte stérile concernant l’infâme industrie alimentaire qui empoisonne les enfants innocents.
Mill, tu déconnes ?
Le peuple n’est jamais content.
Il décapite une belle reine presque neuve lorsque le pain fait défaut et vitupèrent lorsque les gâteaux sont trop bon marché et sucrés ?
Je terminerai ce commentaire en ajoutant que personne ne force les obèses à bouffer comme des porcs.
Magicien Pampers

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Pute : 8
Souhaiterai    le 12/05/2025 à 14:13:02
Désolé…
Lapinchien

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Pute : 15
à mort
    le 12/05/2025 à 14:26:46
C'est un gonzo-commentaire, n'est-ce pas ?
Mill

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Pute : 15
    le 12/05/2025 à 14:30:00
Magicien Pampers, le narrateur est un personnage. Et je te rappelle qu'il est ado. Et j'ai vu Fly and the Tox oui. Super groupe.
Lapinchien

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Pute : 15
à mort
    le 12/05/2025 à 15:00:29
Je suis sûr que ça n'arrive pas à la cheville de Pierre Vassiliu...

...CoMplèTemEnt toQué, ce MeC Là, cOmPlèTeMenT gaga. Il A uNe DrÔle De TÊtE ce meC La, qu'EsT cE Qu'Il FaIt qu'eSt-Ce Qu'Il a ?
Cuddle

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Pute : -3
    le 12/05/2025 à 17:57:10
J'ai réussi à finir ce texte, (désolé j'étais au taf aujourd'hui) et en effet, le passage digressif est en trop. Il alourdit le style et noie le sujet dans une critique facile. J'ai préféré les passages nostalgiques. Y'a un petit côté Vernon subutex là-dedans fort agréable. Un petit bout de vie quoi... On se projette avec Mill, une bière sur la Com', philosophant sur le passé, radotant dans nos mousses avec des : "c'était mieux avant"... Bin ouais, que c'était mieux avant. Putain quoi.
Mill

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Pute : 15
    le 12/05/2025 à 18:04:27
Heu, en même temps, le texte est assez clair sur l'idée que, justement, c'était pas mieux avant !

Après, le passage digressif est, à mon avis, la justification du texte. Sans lui, pas vraiment d'intérêt d'écrire le reste, même si j'aime bien l'anecdote de l'Etat du rock. On sent bien l'imbécillité du narrateur.
Cuddle

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Pute : -3
    le 12/05/2025 à 18:26:10
Genre tes meilleures soirées c'était pas au lycée ou à la fac ? Sans déconner ?
Cuddle

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Pute : -3
    le 12/05/2025 à 18:27:14
Après, ouiiiii dans le texte c'est exagéré. On parle d'un dealeur, d'un raté, mais quand même quoi
Mill

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Pute : 15
    le 12/05/2025 à 18:52:29
Je t'avoue que j'éprouve très peu de nostalgie pour ces soirées-là. Surtout, ce n'est pas le propos de ce texte. C'est surtout un retour sur mon rapport à la drogue, tel qu'il fut lors de cette période adolescente, tel qu'il me poursuivit à intervalles réguliers pratiquement jusqu'à aujourd'hui.
Magicien Pampers

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Pute : 8
@Mill okay    le 12/05/2025 à 19:10:43
Mea culpa alors. Sauf pour les gatos. Un truc qui était mieux, cependant, c’est que la tombe était plus éloignée qu’aujourd’hui. Le monde était moins pollué aussi. Les oiseaux étaient plus nombreux et les diverses espèces aussi. Voyons, The Police était encore en activité en 83. Et puis, une bagnole pesait 800 kilos et elle n’avait pas d’électronique partout, et puis, il faisait pas si chaud en été et les moustiques tigres n’étaient pas encore inventés, et puis, les Docks étaient fabriqués en Angleterre et puis, on perdaient pas de temps à raconter des conneries sur FB et les filles regardaient les garçons dans le bus et surtout, on pouvait voir flotter, comme des blanches canaques, des tranches de pain dans les rigoles des pissotières. Cuddle a raison. C’était mieux avant.
Magicien Pampers

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Pute : 8
Merde!    le 12/05/2025 à 19:11:57
Des blanches caraques!
Magicien Pampers

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Pute : 8
@Lapinchien    le 12/05/2025 à 19:27:13
Belle chanson. Je la connaissais pas.
Magicien Pampers

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Pute : 8
Sur Vasiliu    le 12/05/2025 à 19:51:08
Il existe une émission avec un des premiers passages de Vasiliu à la tv. C’est sans doute chez Drucker. Il chante son tube « keski fait » et les autres invités sont inquiets. Cloclo est statuesque et méprisant, Mitchell ( qui est plutôt sympa d’habitude) ne rigole pas du tout. Y’a juste Birkin qui se marre. Ça doit se passer en 76, et l’autre branleur moustachu est comme une espèce de chien dans un jeu de quilles. C’est drôle.
Lapinchien

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Pute : 15
à mort
    le 12/05/2025 à 20:01:19
Vassiliu est sous-coté. Cette chanson que j'ai partagée vaut bien du Gainsbourg au meilleur de sa forme.
Mill

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Pute : 15
    le 12/05/2025 à 20:33:07
Oui, Gainsbourg est surcoté.

Et sur le discours "c'était mieux avant", je ne sais que dire. Je n'aime pas le passéisme tout comme je n'aime pas non plus le discours lénifiant de béatitude qui dit que tout est mieux maintenant, parce qu'on a la télé, internet, les téléphones portables et la 5G. Je crois qu'il n'y a pas de bonne époque, je crois que ca a toujours été la merde tout le temps et que les années de ma jeunesse, vécues donc dans les années 80 et 90 étaient des années de merde, avec la fin d'une gauche crédible, avec le reaganisme triomphant, l'explosion d'un cinéma américain simpliste et bardé d'effets spéciaux, la mort de la musique populaire avec l'arrivée des synthétiseurs, des logiciels de MAO, la techno, le rap, l'entourloupe selon laquelle les DJ seraient des musiciens comme les autres et les rapeurs des chanteurs comme les autres. C'est les années Goldman, Barvelivien, Cabrel, et toute la merde, les années où, dans le néant musical français, Lenny Kravitz passe pour un rockeur et Ben Harper pour un génie. C'est les années qui consacrent Noir Désir alors que, rétrospectivement, ça ressemble tout de même un petit peu à de la merde, et les années où l'on invente Cyril Hanouna à travers d'illustres précurseurs que je ne nommerai pas ici parce qu'ils sont trop. Je n'aime pas la nostalgie. Elle est personnelle. On ne peut pas se retrouver sous la même bannière avec elle.
Magicien Pampers

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Pute : 8
Gainsbourg    le 12/05/2025 à 21:30:51
possède une longue œuvre disparate exemplaire. Okay, il a fait du commercial mais c’était toujours de la qualité. À part, Brassens, Brel, au niveau des paroles, Christophe, Manset, et Polnareff, au niveau musical, c’est difficile de s’aligner dans sa catégorie ( listes non exaustives, évidemment…). Mais, les outsiders, comme Vasiliu sont assez nombreux aussi, le succès étant une question de chance. Je rejoins Mill en ce qui concerne la mort de la musique binaire mais suis moins sévère en ce qui concerne Ben Harper qui slide pas mal, je trouve .Et je n’ai rien non plus contre la variété populaire des années 60 à 80, Goldman a fait son taf et Cabrel aussi, du moins, jusqu’à la fin 80. Quand j’entends le morceau de Jessie Garon, «  C’est lundi » je suis content .Évidemment, j’aime aussi Canned Heat, mais, je crache pas sur la belle voix, et les cuisses, de Murielle? De Niagara , et de ses paroles, ni de celles des Rita , même si j’aime LSD.
Politiquement parlant, je vais laisser causer les grandes personnes, c’est un sujet qui m’ennuie car je suis un anarchiste de droite, voire, un royaliste de gauche. Hum… je ne crois pas en la politique au mains des cons et de leurs représentants. Car, le droit de vote et de diriger devrait pouvoir s’obtenir après avoir passé un examen. Comme le droit de faire des enfants, d’ailleurs…
Effectivement, Hanouna est une plaie culturelle, mais ça , n’est ce pas une évidence ? Et le rap me fait globalement chier, aussi ( c’est pas raciste au moins?). Et le sport des autres, c’est pire. Bref, ouaip, je suis un nostalgique. Mais, surtout, du cul de la pute avec qui j’ai perdu mon pucelage, qui était très gentille et qui se nommait J quand j’avais 19 ans… ( et oui, les filles étaient farouches avec le pauvre Pampers…)
Mais, soyons régulier, il ne faut pas ignorer que beaucoup de gamins d’aujourd’hui sont encore plus nombreux et meilleurs qu’hier, à jouer correctement du rock, du blues, du jazz, en raison des tutoriels vecteurs d’informations que nous avions du mal à récolter à notre époque. Qui est In, qui est Out? C’est toute la question. L’important étant de l’être avec son style. Vais nourrir mes greffiers.
Lapinchien

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Pute : 15
à mort
    le 12/05/2025 à 21:43:25
Ouais, Gainsbourg, dans le lot, sera le seul à rentrer dans la postérité. Cela dit s'il était toujours là, il ferait du rap comme il a fait du reggae.
Magicien Pampers

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Pute : 8
D’ailleurs,    le 12/05/2025 à 21:55:34
Il a fait du rap dans Under arrest. Et je suis pas super honnête concernant ce style, les Beastie Boys sont super bons et le rap américain genre old scroll, Public E, Boogie-woogie down prod, c’est de la bonne came. Et il doit y avoir d’autres trucs aujourd’hui que je ne connais pas, bien sûr.
Lapinchien

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Pute : 15
à mort
    le 12/05/2025 à 22:40:12
On a peut être loupé de peu le Gainsbourg's boys band. C'est pas passé loin.
Mill

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Pute : 15
    le 12/05/2025 à 23:18:23
Je ne dis pas que Gainsbourg n'a pas de talent. Je dis qu'il est surcoté. En France, beaucoup parle de "génie" en oubliant son nombreux plagiats et en omettant surtout de rappeler la place de ses collaborateurs, Alain Goraguer, notamment, qui fut co-compositeur plutôt que simple arrangeur. Certaines paroles de Gainsbourg regorgent de complaisance, beaucoup de musiques sont franchement nases.
Lapinchien

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Pute : 15
à mort
    le 13/05/2025 à 08:38:31
Auteurs, si vous voyez que les commentaires stagnent, n'hésitez pas à relancer les débats en posant une question ou en créant une polémique.
Magicien Pampers

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Pute : 8
Sur,    le 13/05/2025 à 08:44:11
nobody is perfect.
Magicien Pampers

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Pute : 8
@Mill    le 13/05/2025 à 09:18:18
Pour terminer de mon côté avec G, c’est vrai que surtout vers la fin, la légende moribonde était pathétique. Par la faute des médias et par la faute de l’ego du personnage. Gainsbourg baiseur ( on se demande comment et on s’en fout), réalisateur de clips, de films, papa, chialeur… hé ! Et les Rolling qui n’ont pas créé un seul morceau valable depuis 45 ans …
Lapinchien

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Pute : 15
à mort
    le 13/05/2025 à 19:14:49
@Magicien Pampers : à la parution du prochain texte de Versus, j'imagine que t'auras des tas de trucs à raconter. C'est une rubrique musicale.

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