LA ZONE -

Quatrième Reich

Le 16/05/2025
par HaiKulysse
[illustration] « Le Monolithe »


Au couchant pendant qu’un peintre du coin immortalisait ce moment, Thompson méditait, entièrement nu et il se souvenait encore par bribes qu’elle était écroulée sur le sol froid, l’impudique Sabine qui s’était avisé de le tromper sur la camelote… Avant de sombrer dans ses rêveries, il entendit une tonitruante profusion de vagissement et de geignements.
Il était près du monolithe où l’on avait découvert un corps brûlé ; et ce qui le consolait quand le soleil se couchait et que le vent du désert s’encombrait de déchets, c’était qu’il pouvait étudier seul les gemmes ornant l'antique construction de pierres.

Ses pieds s’enfonçaient à présent dans une boue qu’il jaugeait comme un mélange de mélasse et de sciure. Il avait raté l’inhumation du Docteur Gonzo sous les dalles grises monolithiques et il pensa que l’esprit de son ami enterré végétait maintenant à l’intérieur, et où l'on sentait flotter le parfum de l’étamine des fleurs qui étaient déposées là.

Ses appareils de mesure du champ électromagnétique (les CEM, disait son équipe) sur leur écran ordonnaient, en fonction du mouvement des planètes, des courbes inchiffrables. Tout était à jeter.

Mais dans cette contrée sauvage et reculée, il avait parcouru des milliers de kilomètres et la beauté virile, nette et verte des oasis participait à le rendre de bonne humeur : il gambadait avec les caravaniers, avide de savoir comment leur thermomètre laser avec sa térébenthine à l’intérieur saisissait les températures extrêmes, presque insouciant quand la haute présence du monolithe était apparue, persuadé qu’aucune vilaine troupe de Néo-nazis, à l’un de leurs barrages, ne se formaliserait pour ses papiers d’identité encore en instance d’être déclarés officiels…

Car les néo-nazis avaient gagné la troisième guerre mondiale et le Quatrième Reich lorgnait déjà sur les quelques pays qui étaient encore placés dans le club restreint des États nantis n’ayant subi aucune invasion…


Thompson qui bataillait pour dépouiller l’intérieur des crânes de grès noir abandonnés sur l’autel du monolithe chercha à tâtons sur le sol en marbre des osselets d’envoûteurs dont la couardise les avait fait s’exiler au lieu de résister.
Sa respiration était lourde et saccadée, la surcharge de son attirail n’allant pas s’alléger avec tout ce qu’il prospectait, vandalisait, et profanait...

Mais cette fois quand la nuit fut tombée, le spectre du Docteur Gonzo apparut entre l'encadrement d'une porte. Puis, dans un flash, il se retrouva dans un lieu familier où tout valdinguait : les archanges en plâtre, les oisillons dans leurs cages, les échiquiers avec leurs cavaliers n’ayant pas eu le temps d’empaler le roi ennemi, les fers à cheval qui magnétisaient encore les bagues du défunt mais aussi ses feuilles de proses d’inspiration shakespearienne sonnant creuses.
Au fracas et au tumulte, s’ajouta une drôle de pénombre obscurcissant même ses yeux et les rendant troubles. Il se questionna, cherchant désespérément à savoir si on devait privilégier la piste de la faille spatio-temporelle. Ou bien celle d’un châtiment, ou d’une sorcellerie quelconque.

Il y avait dans cette pièce des caméras digitales à infrarouges et des détecteurs de mouvement mais ce qui retint l’attention de Thompson c’était ce vieux et unique tableau qui n’avait pas bougé d’un millimètre et qui semblait promouvoir un art novateur : des points et des tâches violettes auxquels l’artiste avait jalonné d'extraits de fax en les collant sans doute sous l’effet foudroyant de diverses drogues…

Cependant, ce qui accrochait le plus le regard, quand on jaugeait l’œuvre d’art d’un œil froid et clinique, on remarquait que cette toile représentait en fait une salle d’apparat donnant sur une roseraie…


Deuxième partie : l'herbe des nazis


Aux premiers jours de notre règne, au cœur de certaines villes impropres à tout habitat, même pour copuler, notre budget came était comme phagocyté par cette herbe des nazis, qu’on appelait communément la Beuze ; bien sûr on avait bouquiné pendant de longs siècles et potassé sur le sujet avant de tester la Beuze, bien plus déstabilisatrice qu’il n’y paraissait…

D’abord pour les effets secondaires et pour ajuster les mots à peu près phonétiquement, quand la drogue s’infiltrait dans notre système épiphyte, on ne devait pas trop lambiner après avoir passé un séjour céleste dans un pays imaginaire : une zone de passe-droits que les partisans de l’Ordre rêvaient de voir s’embraser… Et pendant ces quelques heures (ces quelques journées ?) de flottement, on était constamment en train d’évaluer différentes choses. Comme la fois où, pendant notre célèbre tournée, les jeeps s’embourbaient au sommet du col de l’Izoard et où l’on voyait à l’horizon les dômes de tous ces palaces aux voûtes d’un bleu vénitien ; comme cette fois aussi où les tuniques de nos sous-fifres contrastaient avec les couleurs de ces nuages menaçants au-dessus de nos têtes, prêts à cracher leur peroxyde.

N'empêche. Les remèdes aux attentats, n’étaient nés qu’autrefois, et on les avait oubliés en route ; mais il y avait encore quelques mercenaires indépendants, levant les tentes avant de préparer le plan de guerre ; ils baluchonnaient à la va-vite leurs grenouillères grises et leur attirail de médecins en temps de peste ; chacun avait son poste, ses coutumes et aussi ce charisme digne du chef du Projet Chaos. Alors qu’aujourd’hui on avait du mal à renflouer les caisses, les dépenses pour la veuve de Thompson revues à la hausse… en nous donnant un mal fou pour boucler nos dettes et un charme apollinien quand on tirait sur une Dunhill ou un oinj, de préférence dénudé, affalé sur notre canapé.

Et en sollicitant une audience pour chevaucher le dragon on se rappelait malgré tout de cet adage de Dostoïevski nous enseignant que pauvreté n’est pas vice mais l’ivrognerie n’est pas non plus vertu…
Et pour cesser l’immobilisme dans notre trou on avait sacrifié nos dernières économies afin de voir du pays, partant avec nos sacs sur le dos et nous nourrissant uniquement de mollusques. Mais la route était très longue, trop longue ; et même si on s’activait tout le long du chemin à manigancer des putschs contre le royaume où les rats et les vautours proliféraient, nos féaux nous avaient abandonnés regagnant leurs contrées respectives, bougonnant suffisamment pour qu’on comprenne qu’ils ne voulaient plus entendre parler de politique…


Troisième partie : Abattre un Alien est un acte conformiste !

« Le suicide est parfois l’aboutissement d’un bon plan de carrière, surtout si vous êtes écrivain. C’est, en tout cas, ce dont j’essaye de me convaincre. Là, maintenant. J’ai toujours été partisan de l’idée qu’il fallait, en tant qu’auteur, faire l’expérience de ce qu’on cherche à écrire pour tenter d’approcher une forme de vérité. »

Pourtant, pour ne pas se dégoûter de la monotonie du style journalistique, Raoul Duke carburait en alcool frelaté dans les assommoirs mais toujours travaillant d’arrache-pied. Ce qui était affligeant c’était qu’on assistait à ses fulminations assez souvent.

Lorsqu’il sortit du bourbier que la marée basse avait laissé aux alentours du sanctuaire, il me semblait que ses pensées soutenaient la voûte angélique du fantasmagorique crépuscule s’abattant sur nous à cette heure… ces mêmes pensées avidement vaines et redondantes, tout à la fois le rendant atone et mélangeant ce qui le réjouissait avec ce qu’il s’efforçait aveuglement de recadrer avec justesse. Comme le militarisme de son époque se nourrissant d’une ambiguïté intemporelle sans faire de la place à une génération qui se lançait dans une guerre contre le patriarcat…

Et le système s’était enrayé, devenant de moins en moins gérable. Leurs balivernes à tous ces politiciens gangrénaient même l’Audimat. Mais actuellement Thompson étant dans un état proche de l’hypnose, il s’en foutait et regardait l’une de ses mains qui était ensanglanté tandis que l’autre tentait de réajuster la trajectoire de sa vieille Mustang tout en matant un vortex qui voilait à présent le ciel et une pancarte sur lequel on pouvait lire que les fanatiques des films en super-huit s’entretueraient avant qu’il puisse enquêter de son côté. Et il lui semblait que ces reptiles irascibles le long du bas-côté de la route l’observaient, calanchant ensuite sous les rayons d’un soleil malgré tout affligeant…

Captant les intentions de tout ce qui pouvait encore bouger, ou sursauter, ou même l’étreindre, son acuité aux choses psychédéliques luttait pour s’adapter à son humour pince-sans-rire. Et il lui revint à l’esprit à ce moment-là que la salive contaminée des reptiles pouvait encore fuser. Et qu’elle était déjà bien éprouvante pour la peau quand elle refroidissait au soleil, mais il arriva cependant à remettre de l’ordre dans son esprit.

Mais plus tard l’obscurité le sidéra, il se trouvait encore sur l’autoroute et il pensa que même les chameliers qu’il croisa, et qui se dévergondaient pour ne pas à avoir à affronter un énième coup de Trafalgar, avaient un tas de raisons d’être en colère et intransigeant envers lui. Mais aussi pour ne pas défaillir face au travail stakhanoviste qui les attendait. Mais qui avait trouvé un angle intéressant depuis que Raoul Duke avait substitué les substances analgésiques foudroyantes du sanctuaire où le Docteur Gonzo reposait.

Il essaya de s’échauffer la voix alors qu’il apercevait l’un de ces anachorètes se planter devant le capot de sa bagnole ; il but une rasade de rhum qui était diablement fourbe et sournoise et l’homme du désert lui montra un article de journal par-dessus le pare-brise. Le gros titre indiquait : « LE CONGRÈS PREND ENFIN AU SÉRIEUX LES OVNIS. »

Le torchon du canard ajoutait qu’une nouvelle rafle d’êtres humains par les Aliens était à déplorer et que les extraterrestres avaient pour ambition de sélectionner la meilleure race, tout comme les nazis. Ce récit complétement farfelu s’opiniâtrait à la fin à faire l’apologie de la naissance d’un troisième type, et avait ce souci tout aussi absurde de brosser les fantasmes surréalistes de ceux qui donneraient tout pour être choisis, et ne le sont pas…

Quatrième partie : Quand on commence un plan drogue, la tendance, c'est de repousser toute limite !

Dans un état de surexcitation, bien que j’aie eu beaucoup de peine à résoudre ce point de l’énigme (l’euphorie soudaine et momentanée d’Hunter S. Thompson) il était parti dans un préambule, causant à lui-même ou à son ami défunt.
Et le fou du désert sélectionnait quelques-uns de ses poèmes d’inspiration parnassienne pour les déclamer ensuite alors qu’à cette heure on entendait des insectes striduler follement au fond des bois que le moine écoutait en silence ; régulièrement le journaliste d’investigation revenait à côté de cette souche de bois mort où étaient assis un homme et une femme vêtus de robes noires, trouvant l’expédient le plus ingénieux du monde pour les envoyer, lui et sa clique, au pilori. Tout en alimentant un vaste feu de bois.

Des chutes de météores commencèrent à bombarder le terrain ici et là, jusqu’à déparier avec le calme venant tout juste de s’installer. A quelques mètres autour du feu brûlaient cinq grands cierges noirs. Et Raoul Duke s’engagea dans l’allée qu’ils éclairaient faiblement, et pressentait qu’au bout il trouverait des choses bien trop compromettantes… en boutonnant sa chemise et en se glissant entre les tentures en peau de gazelle de la porte, il examina la pièce.

Il y avait des visages réjouis de nymphettes se maquillant devant tant de grands miroirs éclatants qu’il était difficile de les compter à vue d’œil. Des appareils électroniques révolutionnaires aussi, ne filmant et ne retransmettant que la présence de bactéries et de virus ultra-résistants. Puis des enfants chaussés de hautes bottes aux tiges plissées avec lesquelles aiment parader les gens dont l’âge mental les fait s’avilir jusqu’au fond du gouffre de leurs idées noires…

Cinquième partie : Enivrez-vous !

« Il faut être toujours ivre, tout est là ; c'est l'unique question. Pour ne pas sentir l'horrible fardeau du temps qui brise vos épaules et vous penche vers la terre, il faut vous enivrer sans trêve. »
Mais de quoi ? De vin, de poésie, ou de vertu à votre guise, mais enivrez-vous ! »

Baudelaire.

Des royalistes avec leurs psaumes allégoriques se défaussaient de tout ce qui était interdit d’interdire s’ils avaient eu le courage de choisir la voie monastique quand la très réglementaire pendule indiqua quinze heures et quelques. Raoul Duke lézardait en ce moment au soleil tout en lisant des thèses sur le dur apprentissage de la vie, tout comme cette foule de pèlerins affluant avec leurs livres dont la couverture était inspirée par le courant symboliste…

Ils jaugeaient bien imprudemment les limbes, où ils s’embraseraient plus tard, comme un incommensurable univers leur permettant d’après eux d’élargir leur esprit. D’autant plus que cela ne valait pas grand-chose niveau chimère. Tout comme leurs prières qu’un marabout, même véreux un tant soit peu, aurait au moins méprisé, pour ne pas dire parodié dans le meilleur des cas.

Mais tous ces gens, vivant dans un ghetto non loin de là où l’autodafé des sangs-bleus les avait attirés, conspiraient… et participaient à de nombreuses manifestations en faveur de la légalisation du cannabis et avaient comme desiderata ultime l’ouverture d’une enquête pour connaître ce que l’élite négligeait de leur faire savoir, notamment sur ces monstres venant des tréfonds de l’espace et de leurs ouailles humanoïdes. Ainsi Thompson se souvenait que sur l’une des pancartes de ces soulèvements à la limite de l’émeute, on pouvait lire : « Allez-Vous enfin nous révéler ne fût-ce qu’un seul des mystères du monde d’où Ils viennent ? »

Et étrangement tel un signe avant-coureur d’une quelconque disgrâce, les gueux avaient envahi le fief d’un sénateur n’octroyant ses pesants d’or qu’à des mesures restrictives et liberticides. Et pendant cette révolte qui lui faisait penser aux années hippies et à leur désillusion après coup, l’écrivain avait fréquenté pendant ces mois fiévreux et incendiaires un pandémonium d’anarchistes et de babacool qu’il ne manquait pas de photographier lorsque certains de ces agitateurs étaient immobilisés sur le bitume, avec les menottes aux poignets par une police germanique sadique, mais les révolutionnaires ne cessaient évidemment pas de se débattre avant d’être emmené dans des laboratoires douteux où tout un attirail de torture digne de Klaus Barbie les attendait…

= commentaires =

HaiKulysse

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Pute : 7
    le 16/05/2025 à 00:11:36
Je profite de cette nuit blanche pour vous informer que l'intro de la Troisième partie (Abattre un Alien est un acte conformiste) est de Clacker ; d'ailleurs où sont-ils passés tous ses textes sur lazone.org ?

C'est chagrinant toutes ces suppressions pour plusieurs raisons : d'abord parce que je travaille actuellement sur l'application Angel of Death qui est un vrai gisement dans le texte de cet auteur ; et ensuite parce que je verse dans le sentimentalisme mélancolique suite à cette disparition et l'ordinateur émet un bruit inaccoutumé après cette dictatoriale mesure (ou bug ?) de Clacker mais je ne crois pas que ce soit un problème...
Magicien Pampers

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Pute : 8
On s’en    le 16/05/2025 à 00:47:46
Fout.
Lapinchien

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Pute : 15
à mort
    le 16/05/2025 à 05:44:56
Il a été kidnappé par les cloches de Pâques. Mais attention, pas n'importe lesquelles, celles au chocolat au lait.
Lapinchien

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Pute : 15
à mort
    le 16/05/2025 à 06:49:37
Je n'ai pas encore lu le texte mais le résumé me fait fortement penser au film de Michael Youn et je tremble d'effroi.
Lapinchien

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Pute : 15
à mort
    le 16/05/2025 à 07:03:54
Bad trip ! Dis l'heure, merde, Ô, dis l'heure. Probablement la meilleure notice de mise en garde sur les méfaits de l'eau de javel qu'on s’enverrait en shots. Probablement donc, le meilleur des textes de l'appel pour retranscrire les vrais effets de la drogue de Thompson dans le cerveau des lecteurs.
Magicien Pampers

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Pute : 8
C’est pas    le 16/05/2025 à 08:51:13
Moi qui est écrit le commentaire plus haut!
Des nains du net se sont emparés de mon compte et racontent des conneries à la place! Au secours! ( j’ai pas encore lu ce texte!).
Magicien Pampers

yt
Pute : 8
Dans la tête,    le 16/05/2025 à 09:25:54
ou dans le cœur?
C’est une question importante à se poser afin d’éviter de terminer dans un Ehpad.
« Le suicide est un bon aboutissement de carrière… etc) est la déclaration la plus sensée que j’ai lui depuis le 19 octobre 1567. Bravo. Elle devrait être sélectionnée sur le mur des citations de la Zone.
Le reste. Franchement. J’ai rien compris. Le récit est stylistiquement respectable, quoiqu’un peu tape à l’œil, mais le scénario est un rata dans lequel un navet ne pourrait pas retrouver ses poireaux. Ou alors, c’est moi qui suis trop con? Cette éventualité est envisageable.
RV

Pute : 4
    le 16/05/2025 à 09:43:51
"Mais cette fois quand la nuit fut tombée, le spectre du Docteur Gonzo apparut entre l'encadrement d'une porte. "

à cet instant je suis retourné dans ma cuisine et j'ai fini les granola trempés dans le nutella
    le 22/05/2025 à 14:31:40
C'est chouette, j'aimerais bien le voir en bane dessinée ou en animation.
Lapinchien

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Pute : 15
à mort
    le 22/05/2025 à 14:43:25
Ce qui serait chouette, c'est que tu nous gratifies d'un second texte dans la veine du premier. En plus sur Instagram et Youtube on voit bien que t'as plein d'univers que tu pourrais exploiter dans des textes et qui auraient de l'allure.

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