aujourd'hui
Posté le 06/02/2009
par nanguo
Dans le métro ces jours-ci, je descendais à l’affligeante station d’où je pars le matin et « rentre » le soir, la station la plus proche de l’endroit où j’habite actuellement.
Toujours, on l’appelle « à la maison, chez moi », mais l’on s’en sent en fait bien loin et bientôt si détaché… Ce sont des pièces, des fenêtres muettes, un couloir ennuyeux, des meubles neutres, dont nulle habitude n’en a saturé le vide ou adouci les contours. Je hais ces endroits et, à chacun d’eux, me dis que ce n’est qu’un logement de passage. Mais je suis toujours de passage et c’est eux qui abritèrent mes attaches de toutes ces dernières années.
Ces chambres où l’on est solitaire
S’effacent comme des choses éphémères.
Ces blocs, ces rues ces latitudes
Demain ne seront d’habitude.
Un homme arrivant sur le quai se retourne vers le wagon et s’approche de la fenêtre où, de l’autre côté, sa femme, ou son amie, ou la femme qu’il aime et qui ne l’aime pas spécialement, ou bien une belle passante qui le foudroie. Il l’appelle, il toque timidement, nerveusement, transporté par l’espérance. Il sourit… Il va la voir lui sourire!... Elle est belle, ses doux cheveux nattés et leurs reflets, la chemise qu’elle a mise ce matin reposent sur ses épaules en plis dociles.
Elle est de dos, ne se tourne pas
La longueur siffle et le train s’écoule
Dans la grande station l’air jaune déboule
La foule, automatique, s’estompera.
Le reflet, sa chemise, restera t-elle briller ici dans la vitre au-dessus du quai? S’évanouira t-elle?...
Je l’ai vue ce matin, je l’ai vue la mettre… devant l’armoire au pied de laquelle la couverture tombe du lit. A la fenêtre, la ville tournoyait, on sentait le métro et les trottoirs se couvrant de soleil, l’oreiller sous la joue et la chaleur du lit dont on va bientôt se lever, les vapeurs de la douche et la senteur des crèmes…
Dans l’ascenseur son parfum emplissait les ondes que les glaces reflétaient, poudrées par l’ampoule chaude. Les habits de bureau, qui viennent d’êtres mis, transportent un sourire d’intimité qui, au fur et à mesure qu’ils descendent dans la vie, s’estompe. Les talons résonnent dans l’entrée, sur les pavés; plus de paroles, déjà depuis quelques temps les respirations dans l’ascenseur ne sont plus, tout s’élargit. Les rues chargées pointent.
Mais cela ne signifie rien. Elle passera la journée d’aujourd’hui de son côté, à sa guise, dans son bureau, tours étincelantes, jupes, conférences calls, cafés et chattes désemparées, avec son air, ou plutôt sa façon de voir les choses irréaliste, « niuB », et tous les deux perdront.
Ca s’arrangera avec le temps, ils baiseront bientôt, mais bon…
La mosaïque du carrelage se pixellise devant mes pas, je remonte les marches oublieusement.